La vision artistique est essentielle au développement sain d’une organisation culturelle. Comment devient-elle une source précieuse de motivation et d’inspiration au sein d’une équipe de travail?
L’équipe a rencontré Hanneke Ronken, stratège en innovation culturelle et sociale, afin de nous partager son expertise et ses réflexions sur le sujet.
Machinerie : Selon toi, à quoi sert le développement d’une vision artistique solide et cohérente? Cette vision se reflète-t-elle aussi dans la vision stratégique structurelle de compagnie?
Hanneke : Peu importe la taille d’une organisation, son identité et sa raison d’être sont basées sur la création de projets artistiques forts. Un artiste a comme mission d’avoir une vision du monde unique et, indirectement, de se tenir en marge de la logique capitaliste. Il y a une question profonde de sens au centre de sa posture professionnelle. Il est essentiel de creuser ce positionnement au-delà des projets artistiques. Il devient pertinent de se demander : pourquoi je fais ça? D’un point de vue existentiel, qu’est-ce que j’apporte à ma société au-delà d’une envie de créer ou d’une pulsion égocentrique? Comprendre le sens de notre vision artistique devient un vecteur extrêmement éclairant pour chaque partie prenante liée à l’organisme. Que ce soit pour le public, les gens avec qui tu travailles (artistes, employé·e·s, travailleur·euse·s autonomes, autres) ou les communications, être capable de circonscrire l’impact souhaité dans une vision inspirante est riche pour faire des choix stratégiques à long terme. Le fait d’avoir une vision, une mission et des valeurs bien définies impose un cadre qui va même jusqu’à guider les choix administratifs. Cela provoque une grande cohérence dans la façon de communiquer, d’opérer, de faire des choix pragmatiques. Cette vision doit également être claire et compréhensible pour les subventionneurs, et ultimement, pour le public qui voudra acheter des billets pour le spectacle.
Machinerie : On peut donc dire qu’une vision artistique réfléchie, une mission de compagnie articulée et des valeurs solides facilitent le travail administratif?
Hanneke : Exact. Je le constate à chaque fois que je commence des mandats de planification stratégique avec des organisations qui existent déjà depuis longtemps. La fluidité et la cohérence des actions, à toutes les échelles de décision, se réalisent plus facilement quand ces valeurs et énoncés sont clairs pour l’ensemble de l’équipe.
Le fait d’avoir une vision, une mission et des valeurs bien définies impose un cadre qui va même jusqu’à guider les choix administratifs. Cela provoque une grande cohérence dans la façon de communiquer, d’opérer, de faire des choix pragmatiques.
Machinerie : Quels outils préconises-tu pour mettre en place une forte vision artistique et organisationnelle? À quel point ces outils sont-ils nécessaires et réalistes dans la « vie » d’une organisation ? (FFOM, Étude de marché, Plan d’affaires, Plan stratégique, Plan d’affaires, etc.)
Hanneke : Pour moi, ces exercices ne servent absolument à rien s’ils sont faits en solo ou avec un·e consultant·e, sans aucune implication de l’équipe et du conseil d’administration. L’enrichissement a essentiellement lieu dans la cocréation et le codéveloppement. Partager les points de vue contradictoires entre les différents membres de l’équipe ajoute beaucoup de richesse aux discussions et permet de mieux identifier les angles morts d’une organisation. Cela permet de mieux comprendre l’évolution de l’organisation ainsi que de toutes ses parties prenantes, peu importe la hiérarchie de ceux-ci. Par la suite, un·e consultant·e peut venir faire parler les données et les chiffres pour en faire ressortir des conclusions factuelles importantes.
L’évolution d’un plan d’affaires, les différents diagnostics stratégiques, les forces et faiblesses d’une compagnie, la mesure des communications, les impacts des données objectives sont des exercices qui mériteraient qu’on s’y attarde en équipe afin de faire une radiographie de l’organisation ensemble, en date d’aujourd’hui. Observer celle du passée pour mieux réfléchir à celle du futur! Avant, la planification stratégique était surtout réfléchie avec la direction générale pour ensuite être un peu mise de côté. Aucun membre de l’équipe ne se sentait véritablement consulté et engagé dans le processus. C’était plutôt les postes en autorité qui imposaient une vision à ses subordonnés. Cette méthode de fonctionnement ne libère pas le plein potentiel d’une équipe. Pour moi, la clé d’une mise en action d’une vision et d’une mission de compagnie se réalise dans le codesign.
Hanneke Ronken est une stratège en innovation qui oeuvre dans le secteur culturel et social. Basée à Montréal, elle accompagne des organisations à tirer profit du futur émergent grâce aux approches créatives et analytiques de l’ère numérique.