Comment savoir quand se constituer en OBNL?

Se constituer en OBNL ou ne pas se constituer : telle est la question qui survient bien souvent lorsqu’un·e artiste ou un groupe de créateur·trice·s cherche à bonifier la qualité et la portée de ses créations.

L’équipe a rencontré Paula Barsetti, directrice générale du Théâtre de la LNI et gestionnaire émérite, afin d’avoir son avis sur cette interrogation qui touche bon nombre d’artistes en développement.

Machinerie : Quels sont les facteurs à considérer et les questions à se poser avant de prendre la décision de se constituer en organisme à but non lucratif (OBNL)?

Paula : Il faut d’abord comprendre que la constitution est un engagement. Je pourrais comparer cet engagement à la différence entre habiter en colocation, et décider un jour d’acheter une maison avec des partenaires pour y vivre. En tant que locataire, on jouit d’une certaine liberté, il est possible de partir à tout moment ou de se faire remplacer par quelqu’un d’autre. Par contre, à partir du moment où on décide de passer à l’achat, on hérite de certaines responsabilités. Cela inclut, par exemple, la gestion d’un édifice et d’une hypothèque qu’on partage officiellement avec d’autres gens. Pour moi, la décision de se constituer doit répondre à la question : « Ai-je vraiment le désir de m’engager dans ce projet, considérant la charge requise pour sa mise en place? » Certain·e·s artistes voudront absolument garder leur indépendance, et d’autres, au contraire, auront un réel désir de s’investir dans un projet artistique plus engageant avec des collaborateur·trice·s. Il faut voir tout ça comme un·e entrepreneur·e qui démarre un commerce.

Machinerie : On parle d’ailleurs beaucoup de la notion d’artiste-entrepreneur·e dans le milieu culturel. Qu’est-ce que ça signifie?

Paula : Tout à fait. Historiquement, le milieu artistique était relativement réfractaire à ce parallèle, et on l’est encore. Cependant, au cours d’une formation à l’École des entrepreneurs du Québec, j’ai constaté qu’il n’y avait aucune différence entre les artistes et les entrepreneur·e·s. Que l’on travaille en culture ou dans un autre domaine, qu’on ait une entreprise à but lucratif ou à but non lucratif, un·e entrepreneur·e c’est une personne qui veut faire connaître ses idées, qui a ce besoin de gérer et de maîtriser son médium. Cela peut être un produit mercantile ou une création artistique. Ceci dit, il faut garder en tête que le principal enjeu de la gestion d’une compagnie ne consiste pas seulement à son enregistrement : ce n’est que le début!

Il faut aussi s’assurer que la structure d’un OBNL concorde pour ses besoins et ses activités, et savoir jusqu'où on est prêt à aller avec ce projet. Si on souhaite arriver à une pérennité au niveau du produit artistique, un OBNL permet de produire plus régulièrement et systématiquement.

Machinerie : Quelles sont donc, selon toi, les erreurs à éviter lorsqu’on prend la décision de se constituer en OBNL?

Paula : Je dirais que c’est justement d’avoir une méconnaissance de la charge de travail impliquée dans un tel engagement. Cette méconnaissance va dans les deux sens : certain·e·s artistes verront la gestion d’une compagnie comme quelque chose de lourd qu’ils·elles seront incapables de faire, et d’autres, voyant les nombreuses compagnies déjà existantes, se lanceront sans réfléchir. Cette surestimation ou sous-estimation des tâches provient souvent d’un manque de connaissances. Ces informations sont pourtant accessibles à l’aide de certains organismes qui existent pour accompagner les artistes. 

Il faut aussi s’assurer que la structure d’un OBNL concorde pour ses besoins et ses activités, et savoir jusqu’où on est prêt à aller avec ce projet. On peut, par exemple, avoir le souhait éventuel de passer d’une structure « à projet » à une compagnie soutenue au fonctionnement, ou bien décider d’avoir un collectif en garde partagée. Avec une structure moins fixe, on se réserve la possibilité de produire un projet quand on veut. Par contre, si on souhaite arriver à une pérennité au niveau du produit artistique, un OBNL permet de produire plus régulièrement et systématiquement.

Machinerie : la constitution en OBNL devient-elle un impératif pour le développement des activités d’un·e artiste ou d’un groupe de créateur·trice·s?

Paula : Oui, nécessairement. Il est possible d’avoir accès à certaines subventions pour des projets avec un collectif, mais davantage de financement est accordé aux OBNL. Les Conseils des arts ont besoin de savoir qu’il y a une personne morale et un conseil d’administration imputable au-dessus de ceux et celles qui créent. Ceci dit, la qualité artistique et la pertinence des collaborateur·trice·s de création demeurent les principaux éléments considérés. Dans un contexte de limitation budgétaire, l’évaluation de la gouvernance peut servir de filtre supplémentaire. Pour se constituer en compagnie, il est nécessaire d’avoir une fibre entrepreneuriale ou un entourage qui l’a. Il y a beaucoup d’artistes qui ne possèdent pas ce talent organisationnel, mais qui viennent s’entourer d’une équipe compétente, vont chercher des conseils dans leur réseau, ou une référence qui pourrait les outiller. Il n’est tristement pas rare de voir des artistes baisser les bras en voyant le travail administratif que leur projet de compagnie implique. Cependant, c’est légitime pour un artiste de ne pas vouloir se donner cette charge, et d’avoir une compagnie qui vive grâce à un·e allié·e pour faire ce genre de travail en complémentarité. Il y a aussi des modèles de gestion qui permettent à plusieurs OBNL de mutualiser leurs ressources administratives et matérielles afin que tout le monde en tire avantage.

Paula Barsetti œuvre depuis une quarantaine d’années dans le domaine théâtral, dans lequel elle est profondément impliquée. Elle a mis son savoir et sa passion au service de nombreuses entreprises, dont le Théâtre Sans Détour (de 1980 à 1996) où elle a agi comme comédienne, codirectrice artistique et directrice administrative, et dont elle est membre fondatrice. De 2002 à 2005, elle a assumé la direction administrative de la compagnie de théâtre Mime Omnibus. De 2005 à 2010, elle a été directrice générale associée et directrice des finances du centre multidisciplinaire et communautaire LE TAZ, où elle a étroitement participé à sa relocalisation et à son projet immobilier. La carrière de Paula Barsetti ne saurait se résumer à ces emplois, qui ne rendent compte que d’une facette de son parcours professionnel car elle n’a cessé de s’impliquer dans nombre de comités pour l’avancement de la discipline. En 2010, la compagnie de théâtre Les Deux Mondes avec notamment son partenariat avec le regroupement Aux Écuries, l’invite à joindre son équipe à titre de directrice administrative. En 2017 jusqu’à ce jour, Paula assume la direction générale du Théâtre de la Ligue Nationale d’Improvisation. Toujours passionnée par le théâtre et sensible à l’importance du rôle de la relève artistique, elle poursuit son engagement dans le milieu culturel en partageant son expérience auprès de jeunes créateurs.

 

crédit photo : Myriam Baril Tessier

Bâtir un conseil d’administration bienveillant

Cet article s’adresse aux responsables de l’administration et direction générale d’une compagnie de création.

L’une des premières étapes à faire lors de la création d’un organisme est celle de la fédération d’un conseil d’administration (CA). Non seulement cette étape est-elle nécessaire pour la saine gestion de l’entreprise culturelle, mais elle est aussi, à un niveau plus pratique, obligatoire pour son enregistrement au Registraire des entreprises du Québec. Même si dans la plupart des cas une compagnie de création demeure fortement associée à un·e créateur·trice, il est vital de garder en tête qu’un OBNL est une entité légale autonome. Le CA, entre autres, assure la pérennité de la compagnie.

L’objectif d’un conseil d’administration fort.

Le rôle prioritaire des membres d’un CA est de s’assurer de la saine gouvernance de l’OBNL et de veiller au bon déroulement des activités. Concrètement, cela veut dire que l’organisme possède un regroupement d’individus bénévolement mobilisés à assurer le bien-être d’une organisation et de ses parties prenantes. Il faut percevoir le conseil comme une entité externe bienveillante, garant de la bonne application des valeurs et de la mission de l’organisation. Les administrateur·trice·s travaillent de pair avec la direction pour la réalisation des grandes orientations stratégiques et du plan d’affaires. Ces gestionnaires et artistes sont, en général, des profils complémentaires à ceux de l’équipe d’un OBNL et deviennent des interlocuteur·trice·s de choix quant aux enjeux et défis rencontrés par la direction. Il est notable de souligner que les administrateur·trice·s ont une responsabilité légale quant à l’intégrité de l’OBNL.

Composition d’un CA.

Un jeune OBNL tendra d’abord à s’entourer d’individus proches de l’équipe de fondation. C’est tout à fait normal, surtout pour un OBNL d’une telle taille, qui ne peut miser sur un long historique de création pour attirer des administrateur·trice·s inconnus. La variété de la composition du conseil devra cependant se construire à travers le temps. L’intérêt d’un CA dont les membres ont des compétences variées est que ceux-ci peuvent partager leurs expériences et mettre leurs compétences à disposition. Ces compétences peuvent guider certaines décisions stratégiques (conseils marketing, philanthropiques) ou dans la réalisation d’actions pratiques (gestion d’événement, montage d’outils de promotion). Un CA dont les administrateur·trice·s sont impliqué·e·s depuis plusieurs mandats et dont le profil est diversifié consolide la réputation d’un organisme. Un fort regroupement de membres aux CA dévoués le crédibilise également aux yeux des subventionneurs, de par sa capacité à mobiliser une équipe de gestion dévouée.

Ces gestionnaires et artistes sont, en général, des profils complémentaires à ceux de l’équipe d’un OBNL et deviennent des interlocuteur·trice·s de choix quant aux enjeux et défis rencontrés par la direction.

Documentation à produire.

En amont d’un CA ou durant la rencontre, la direction doit faire un portrait des activités en cours. Cela comprend un suivi global des opérations, un bilan des activités et de l’avancée de l’entreprise. Ce portrait permet aux membres du conseil de se plonger dans le day to day de la compagnie, et avoir une vision globale des initiatives faites, en cours, et à réaliser. Cela permet aux membres du CA de saisir les enjeux et le positionnement de l’organisme, et les aide à proposer des solutions adaptées à leur réalité.

 

Un ordre du jour doit être présenté aux membres présents lors d’une rencontre de CA. Cet ordre du jour incarne un ordre de discussion, qui devra être envoyé à l’avance (souvent, en même temps que l’avis de convocation). L’importance d’envoyer ce document plus tôt est que les membres peuvent se préparer aux discussions qui seront abordées. Quant aux questions et sujets de discussion qui émergeront naturellement lors de la séance, ceux-ci peuvent être abordés au point varia.

 

Un procès-verbal doit résulter de chaque séance. Il s’agit d’une méthode de prise de notes qui résume l’ensemble des points discutés à l’ordre du jour. Il n’importe pas de faire un verbatim de chaque phrase dite, mais plutôt de noter les interventions, commentaires notables et décisions dans l’ordre de la séance. Il s’agit d’une tâche monastique, mais puisque les séances sont souvent espacées de plusieurs mois, cela devient une référence sur les éléments discutés et décisions prises. À plus long terme, le bon archivage des réunions des conseils d’administration permet de protéger l’équipe et les administrateurs si une enquête légale devait être faite ultérieurement.

Outils reliés à cet article : 150 Ordre du jour pour une réunion + 155 Tableau de bord pour une rencontre avec le conseil d’administration + 156 Procès-verbal

Quelques clés pour rédiger une demande de subvention

Cet article s’adresse aux artistes et aux directions artistiques de compagnie, ainsi qu’aux gestionnaires culturels qui oeuvrent dans les sphères administratives.

Rédiger une demande de subvention, ce n’est pas sorcier. Cela requiert seulement quelques prérequis ainsi qu’une structure de rédaction claire et échelonnée dans le temps pour éviter de subir la pression d’un sprint final … ainsi qu’un envoi à 23h35 à la date d’échéance! Bien souvent, ce passage obligatoire pour le financement de ses créations artistiques représente une occasion de faire maturer sa vision, d’échanger avec ses collaborateurs et de préciser son projet.

L’impulsion de départ.

Un dépôt d’une demande de bourse de recherche et création ou une subvention à la production auprès d’un Conseil des arts doit répondre à une impulsion artistique forte. Il n’est pas nécessaire de déposer une nouvelle création à chaque appel à projet ou dès que le rapport final du projet antérieur est soumis. Il faut suivre un rythme de création, de production et de tournée qui convient et correspond à la nature de son travail artistique. Ce n’est pas l’opportunité financière, mais plutôt la volonté de porter un nouveau projet artistique qui doit être au coeur des motivations.

Réserver du temps à votre agenda.

Échelonner les étapes de préparation et de rédaction dans le temps est primordial. C’est pourquoi il est conseillé de réserver des plages horaires de 3 à 5 heures (selon votre capacité de concentration) régulièrement jusqu’à la date de tombée ou l’objectif fixé. Au préalable, il est judicieux de regarder la listes des annexes à fournir et de solliciter les personnes (collaborateur·trice·s, diffuseurs, vidéaste, etc.) qui doivent fournir du matériel (lettre d’intention ou d’appui, CV, etc.) le plus tôt possible en leur indiquant l’échéancier. Cela permettra de pouvoir relancer si nécessaire. Aussi, il peut être judicieux de demander de l’aide à la révision auprès d’une personne extérieure qui aura un regard neuf sur la demande. Il est préférable de l’aviser en amont et de lui indiquer le moment de l’envoi des différentes ébauches de la demande.

Le syndrome de la page blanche.

Le format des formulaires de demandes de bourse ou de subvention ne sont pas toujours les plus invitants pour démarrer un processus créatif de rédaction. Il n’y a pas de contre-indication à griffonner au préalable les idées centrales de la création artistique ainsi que les questions de recherche qui habitent le processus créatif sur un petit cahier ou dans un document Word. Pour éviter de faire fausse route, il est important de bien prendre connaissance des lignes directrices des programmes pour comprendre leurs objectifs, les conditions d’admissibilité mais aussi les critères d’évaluation. Enfin, avant de débuter la rédaction à proprement parlé, il est judicieux de lire toutes les questions du formulaire et de lister pour chacun des points les idées à aborder. Cela donnera un canevas de base pour ne rien oublier, mais aussi éviter de rédiger trop de textes que seraient ensuite à couper.

Susciter la curiosité des pairs.

Qu’est ce qu’un bon projet artistique? C’est – entre autres – un projet qui va piquer la curiosité du jury d’évaluation composé des pairs de votre secteur artistique. C’est à eux que la demande est adressée! L’exercice consiste alors à expliquer clairement les intentions artistiques du projet, mais aussi ce qui est recherché, remis en question ou exploré. Il est parfois difficile d’avancer des certitudes alors que la création n’a pas encore débuté. Ce n’est pas grave! Les questions sont parfois plus porteuses qu’une affirmation surtout dans une demande de bourse de recherche. Certaines questions peuvent aider à décrire un projet artistique, mais surtout à déterminer ses forces.

Une bonne demande de subvention est une subvention dont le projet artistique, son échéancier de réalisation et son budget sont cohérents et complémentaires.

La recherche du « wow ».

Souvent, c’est ce qui est le plus évident pour l’artiste qui n’est pas exprimé dans une demande. Certaines questions permettent de nourrir le processus de rédaction pour sortir des habitudes et adapter votre projet au contexte de rédaction. Quel est le sujet du projet artistique? Est-ce rassembleur? Réflexif? Nécessaire? Lié à une actualité? Ou est-ce une création de « recherche fondamentale » dont le sujet est le renouvellement d’une discipline ou l’innovation technologique? Quel est votre traitement artistique? En quoi est-il unique? Est-ce que le spectacle aura une adresse particulière au public? Pourquoi? À quelle urgence cette création répond-elle? Est-ce qu’elle fait écho à une oeuvre phare?

Ancrer le projet dans une démarche.

Il est conseillé de situer cette création dans la démarche artistique du créateur·trice, de manière plus générale. Cette ouverture sur la carrière au sein de la demande de subvention permet de mieux comprendre le cheminement du créateur·trice. Alors bien sûr, une démarche artistique est rarement linéaire et parfois certains détours sont nécessaires. En quoi cette création développe la pratique artistique? Comment cette recherche fait évoluer l’artiste? Est-ce que cette idée s’inscrit dans un cycle de recherche? Quelles sont les constances qu’il existe entre les dernières créations et celles-ci?

Une équipe au coeur du projet.

En arts de la scène, un projet ne peut pas se réaliser seul. Il sera crucial de bien présenter les équipes artistiques, de conception et de production. Qui sont les comparses de la création? Comment articuler l’apport de chacun? Est-ce de nouveaux collaborateur·trice·s ou des parties prenantes fidèles ? Selon les ressources financières et bien d’autres facteurs, il n’y a pas deux organigrammes des ressources humaines d’un projet qui seront similaires. Quelles seront les synergies de création? À quelles étapes chacune des personnes impliquées vont-elles intervenir? Au stade d’un dépôt de demande de bourse subvention, il peut arriver que l’équipe artistique et quelques concepteur·trice·s soient définis mais que d’autres conceptions et l’équipe de production restent encore à déterminer. Il suffit de l’indiquer, tout simplement.

La triade gagnante.

Une bonne demande de subvention est une subvention dont le projet artistique, son échéancier de réalisation et son budget sont cohérents et complémentaires. Par exemple, s’il est expliqué qu’il y a un grand travail d’exploration physique avec les comédien·ne·s, mais qu’à l’échéancier il n’est prévu une seule semaine de résidence avec les interprètes avant l’entrée en salle; cela va susciter des questions auprès du jury. La faisabilité du projet pourrait être remis en question. Dans l’échéancier qui doit être réaliste et précis, il est pertinent de mentionner toutes les étapes de création : du travail de table, aux réunions de production, aux résidences sèches et techniques, à l’entrée en salle. Indiquer le nombre d’heures de travail par résidence aide à jury à faire le lien avec les choix budgétaires qui sont proposés au budget. Enfin, il n’y a jamais trop de notes dans un budget de production (par exemple : nom et/ou nombre de personnes, taux horaire ou journalier, nombre de jours, nombre de représentations…). L’objectif d’une dernière relecture permet bien souvent de valider la cohérence de cette triade et de s’assurer que la faisabilité du projet sera garantie!

Outils reliés à cet article : 282 Suivi des subventions + 425 Lettre d’entente avant contrat

Monter un budget de production optimal

Cet article s’adresse aux directions de production, ainsi qu’aux créateur·trice·s d’un projet artistique dans le contexte d’une équipe réduite.

Un budget de production est un outil essentiel pour le bon déroulement d’un processus créatif et la genèse d’un projet artistique. Il incarne une référence financière exacte à chaque étape du projet et permet d’éviter des situations préoccupantes en cours de production.

Partir de la base.

En culture, l’argent peut être source de stress et d’insécurité puisque nous sommes majoritairement dépendants des différents Conseils des arts. Pourtant, un budget de production bien ficelé et mis à jour souvent permet de prendre conscience des réelles capacités financières d’une production et de faire des choix artistiques et administratifs conséquents. Il devient alors une référence précieuse et sécurisante. La première étape pour monter un budget de production est la plus simple, mais la plus négligée. Il est essentiel de lister tous les revenus confirmés (subventions, commandites, dons, échange de service, revenus autonomes) et tous les postes de dépenses réels liés à la production (cachets, locations, achat, transport, frais administratifs, etc.). Si vous avez fait des demandes de subventions pour votre projet, vous avez déjà une bonne première ébauche de votre budget! Il est tout de même conseillé de partir d’un nouveau modèle afin de pouvoir le modifier et l’ajuster à votre convenance. Certains administrateurs préfèrent commencer par préparer un budget de production avant de faire des dépôts pour établir la stratégie de dépôt de demande de subvention. Selon les besoins financiers de la création, on peut demander une bourse puis une subvention de production; ou tout simplement décider de demander directement de l’aide financière à la production sur le projet est assez mature artistiquement et que les partenaires sont confirmés.

Différence entre un budget de production et un budget de subvention.

Un budget de subvention est la première tâche que vous allez faire si vous demandez des subventions aux différents paliers gouvernementaux. Il est toujours bâti en amont de la production et reflète l’ensemble des revenus et les dépenses dans un scénario idéal. Il est primordial de penser à mettre toutes les données monétaires possibles, avec le plus d’exactitude possible. Il ne faut pas avoir peur d’être honnête dans l’énumération de ses cachets et dépenses pour avoir une idée réaliste et juste de tous les coûts de production. Diminuer certains postes budgétaires pour faire baisser le montant demandé de peur d’être trop gourmand auprès des bailleurs de fonds n’est jamais une bonne idée. Il faut être sincère et concret. Imaginez qu’on vous accorde l’entièreté de ce que vous aviez demandé et que vous êtes en mesure de faire votre production de rêve sans contraintes financières! Un budget de production se monte lorsque les dates de diffusion sont officialisées et que toutes les entrées financières sont confirmées. Il doit être fait avant d’entrer en répétition avec les artistes et collaborateurs. Vous avez alors en votre possession le coût total maximum (totalité des revenus) que vous devez respecter pour votre production. Un mot à toujours avoir en tête dans la dynamique d’un budget de production : l’équilibre. Il faut alors refaire l’exercice de lister toutes les dépenses envisagées de la production pour mieux visualiser l’écart (positif ou négatif) avec les revenus confirmés. De cette façon, vous serez en mesure de prendre des décisions éclairées quant aux différents postes budgétaires afin de toujours respecter l’argent disponible à la production de votre spectacle. Il ne faut pas avoir peur de faire les meilleurs choix pour la production et pour un bon équilibre mental. Il vaut mieux reporter un projet par manque de ressources financières plutôt que mettre la compagnie en péril, ou de s’endetter personnellement!

Un mot à toujours avoir en tête dans la dynamique d’un budget de production : l’équilibre.

Tenir le budget à jour.

Vous avez maintenant tout ce qu’il faut pour débuter votre production! Votre budget devient alors la ligne directrice financière du projet. Il permet de fixer les cachets (prédéfinis) des collaborateurs pour s’y fier lors de la rédaction des contrats et d’avoir une vue d’ensemble sur les dépenses liées aux frais de création (variables). Toujours avec les factures en main, vous devez ajuster votre budget prévu fréquemment en fonction des dépenses réelles afin de s’assurer qu’aucun déficit n’est en train de se créer. Par contre, les montants prévus aux postes budgétaires peuvent bouger. Par exemple, si vous avez prévu 500$ en frais de costumes et 1000$ pour un décor et qu’en cours de production vous vous rendez compte que les décors coûteront plus cher et que les costumes seront moins onéreux, vous pouvez réviser votre budget au fur et à mesure pour toujours rester dans l’équilibre (250$ en costume et 1250$ en décor, disons).

La reddition de compte.

Le budget n’est pas seulement important en amont et pendant la production. Il reste tout aussi précieux après les représentations. La majorité des partenaires financiers exigeront un budget de production final, portrait juste des activités monétaires de la production. Souvent à joindre au bilan, en post mortem de la production, divulguer un budget final rigoureux et transparent crédibilise vos capacités de gestion et assure un sérieux et une confiance auprès des différents alliés financiers.

Dernière astuce.

Organiser l’information contenue dans vos budgets en détaillant les postes budgétaires et en créant plusieurs colonnes facilite le travail. Il n’y a jamais trop de détails! Par exemple, dans le même budget vous pouvez inscrire dans une première colonne les dépenses reliées à la recherche et à la création; dans une seconde la production qui inclut la première diffusion et dans une troisième la reprise d’œuvre si elle est déjà planifiée. Dans ce cas-ci, vous pourrez plus facilement faire une reddition de compte pour les bourses de recherche obtenues et les subventions de production. Dans d’autres cas, il peut être plus judicieux d’avoir une colonne qui correspond au budget prévisionnel avant le dépôt des subventions, une qui propose un scénario révisé et équilibré, une autre qui présente l’argent qui a été réellement dépensé. Pour faciliter les suivis administratifs, vous pouvez aussi ajouter une colonne qui calcule l’écart entre le réel et le révisé afin de voir les suivis de paiements qui sont à réaliser.

Outils reliés à cet article : 533 Budget de production

Rédiger un contrat sans rien oublier

Cet article s’adresse aux compagnies de création et aux directions de production, qui engagent une équipe artistique et de production.

Dans le milieu des arts de la scène, il est rare de produire un spectacle qui n’implique nul autre que vous. Vous engagez donc une équipe artistique et de production tout au long du cycle de création de votre projet, dont vous avez assumé les responsabilités de production. Afin d’encadrer l’implication et la rémunération de chaque individu qui prend part au processus, vous devez leur préparer un contrat de travail. Les artistes membres d’une union ou d’une association professionnelle sont régis par des règles spécifiques (UDA, APASQ, etc.). Comme producteur·trice, vous devez préparer un contrat proposé par ces organisations et verser la cotisation exigée. Cet article concerne la rédaction de contrats « maison », qui relient le·la contractuel·le au producteur·trice.

Bien plus qu’une formalité administrative.

La préparation des contrats représente bien plus qu’une « corvée » administrative, mais bel et bien une occasion de définir le mandat et les synergies au sein de votre cellule de création. Selon l’envergure de vos productions, l’avancement de votre carrière, les ressources financières et le profil des membres de votre équipe, certains seront amenés à jouer plusieurs rôles. Aussi, d’une discipline artistique à une autre, les façons de faire varient et les dénominations n’évoquent pas les mêmes rôles. C’est pourquoi il est important de bien lister les tâches et responsabilités qui sont confiées à chaque individu, selon leur corps de métier. Bien souvent les malentendus, les problèmes de communications ou les tensions dans un studio de création proviennent d’une confusion sur le rôle et les responsabilités de chacun. Il peut donc être intéressant de préparer un organigramme qui définit les synergies au sein de l’équipe. Par exemple, la direction technique relève de la direction de production, et collabore étroitement avec l’assistance à la mise en scène ou la direction des répétitions. L’idée n’est pas de définir une structure hiérarchique de pouvoir, mais de gagner en efficacité et de clarifier les interactions!

Choisir un modèle de contrat adéquat.

Il y a plusieurs modèles de contrat qui peuvent vous être utiles, selon le profil de la personne engagée. On différencie par exemple les interprètes qui auront deux types de rémunérations (en répétition et en représentation), des concepteurs (cachet de création et droit de suite), d’un travailleur autonome qui n’aura qu’une forme de rémunération (par exemple, la direction de production). Il se peut que vous confiez un cadre budgétaire à un concepteur pour l’achat d’accessoires et de costumes. Une clause sur le budget alloué devrait donc y indiquer le montant, qui gère les remboursements, que faire si vous prévoyez le dépasser, etc. Enfin, si le projet est porté conjointement par deux compagnies de création et de production, il sera nécessaire de préparer un contrat de coproduction entre les deux créateur·trice·s. Celui-ci servira à déterminer qui fait quoi, à approuver le cadre budgétaire de la production, la façon dont seront prises les décisions artistiques, les crédits et autres dispositions en lien avec la propriété intellectuelle.

La préparation des contrats représente bien plus qu’une « corvée » administrative, mais bel et bien une occasion de définir le mandat et les synergies au sein de votre cellule de création.

La structure d’un contrat.

Bien sûr, il y a plusieurs manières de structurer un contrat, mais qui ont tout de même certaines constances. L’entête permet de savoir de qui il s’agit avec toutes ses coordonnées. Il est important de récolter le numéro d’assurance social pour la préparation des T4A ou le numéro de taxes des individus qui y seraient inscrits. La première clause permet toujours de définir les dispositions générales, l’objet du contrat, la nature de l’entente. Ensuite, il convient de préciser selon la nature du projet : le calendrier d’exécution, les périodes de disponibilités, les obligations de la personne qui sera sous contrat, les obligations du producteur, la rémunération, les frais de séjour, le budget alloué. Pour vérifier si un contrat est complet, on peut s’assurer qu’il répond bien à toutes ces questions : qui, où, quoi, comment, pour combien, quand, pourquoi, par qui. Il existe des clauses qui sont exigées par les lois qui nous régissent, comme la résiliation, la modification, la force majeure et l’exécution. Partez d’un exemple d’un contrat que vous avez déjà signé pour une autre production!

Il n’y a jamais trop de détails.

Rappelez-vous que l’objectif d’un contrat est de clarifier l’implication et chacun·e et de bien communiquer tous les éléments qui concernent la production. N’hésitez donc pas à annexer un certain nombre d’informations comme : les noms de toute l’équipe artistique et de production, l’organigramme de votre cellule de création, une liste de tâches, l’échéancier détaillé de production, le budget validé, le calendrier des échéances promotionnelles (prise de photos, entrevue à la presse, etc.). C’est une étape essentielle de l’avancement de votre création puisqu’il confirme que le processus est en branle. Surtout, une proposition de contrat est une occasion unique d’ouvrir une discussion et d’écouter ce que chacun·e des participant·e·s à la création a à suggérer pour la bonne marche du spectacle.

Outils reliés à cet article : 541 Liste de tâches par corps de métier + 542 et 543 Organigrammes + 544 Contrat d’engagement pour travailleur autonome + 545 Contrat de service : concepteur + 546 Contrat de service : interprète