Cartographie des réseaux de diffusion

Cet article s’adresse aux artistes et compagnies de création et de production qui commencent leurs premières initiatives de tournée; où aux nouveaux arrivant·e·s qui souhaitent comprendre les rouages du milieu culturel québécois.

La diffusion est essentielle pour prolonger la durée de vie d’un spectacle et agrandir le rayonnement d’une compagnie. Dans un contexte de suroffre culturelle, il faut être stratégique : démarrer sa sollicitation en contactant les bonnes parties-prenantes, assembler du matériel promotionnel, établir un échéancier. Pour parvenir à susciter de bons résultats, il devient également vital de bien connaître les structures qui régissent le milieu. Celles-ci peuvent devenir des ressources-clés dans les efforts de diffusion d’un spectacle!

Les réseaux régionaux.

Afin d’assurer l’accès à une offre artistique de qualité et diversifiée, de nombreux diffuseurs se sont organisés en réseaux couvrant un territoire donné. Pour dresser un portrait de leur organisation et de leur place dans l’écosystème artistique, nous avons répertorié les principaux réseaux de diffusion régionaux couvrant un territoire donné du Québec, ainsi que certains réseaux francophones du reste du Canada.

Accès culture : Principal réseau établi sur l’Île de Montréal et certainement le plus diversifié en terme de population desservie. Accès culture regroupe les maisons de la culture disséminées sur les 19 arrondissements de l’Île. Il est géré par la Ville de Montréal.

• Regroupe 24 diffuseurs qui présentent événements et expositions artistiques dans plus de 60 lieux de diffusions

• Offre un programme de dépôt de projet en ligne qui permet aux artistes de soumettre leurs oeuvres à un grand nombre de diffuseurs et à certain projet de faire l’objets de tournées sur le territoire montréalais.

 

Association des diffuseurs culturels de l’Île de Montréal (ADICÎM) : Second réseau régional situé sur l’Île de Montréal, l’ADICÎM opère dans les municipalités reconstituées de l’ouest de l’Île.

• Regroupe 10 diffuseurs établis à Pointe-Claire, Côte Saint-Luc, Westmount, Montréal-Ouest, Kirkland, Dorval, Mont-Royal, Dollard-des-Ormeaux, Sainte-Anne-de-Bellevue et Beaconsfield.

• Réseau pluridisciplinaire qui participe activement au développement des arts de la scène et des arts visuels, mais dont le plus grand volume de projets diffusés sont en musique.

 

Conseil des Arts de Montréal en tournée : Programme offert en partenariat avec Accès culture et l’ADICÎM, permettant aux artistes sélectionnés de reprendre des oeuvres lors de tournées montréalaises dans les lieux de diffusion des deux principaux réseaux du territoire.

 

Réseau Scènes : Réseau Scènes couvre le territoire du grand Montréal et des régions avoisinantes.

• Regroupe 15 diffuseurs de Laval, des Laurentides, de Lanaudière, de la Montérégie, de l’Outaouais, ainsi qu’à Sainte-Geneviève.

• Réseau pluridisciplinaire spécialisé en théâtre de création (voir la note à la fin de l’article).

• Paroles de diffuseurs, paroles d’artistes : vitrine de discussion entre diffuseurs et artistes organisée à chaque automne. Cet événement permet à un diffuseur de vulgariser le travail et la vision d’un artiste avec qui il a travaillé auprès de ses collègues diffuseurs.

 

Réseau centre : Réseau centre couvre les régions du centre du Québec, principalement dans l’axe Montréal-Québec.

• Regroupe 23 diffuseurs des Cantons-de-l‘Est, de Chaudière-Appalache, de la Capitale-Nationale, du Centre-du-Québec, de la Mauricie et de la Montérégie.

• Réseau pluridisciplinaire spécialisé en musique (classique et autre) et chanson.

 

Réseau des Organisateurs de Spectacles de l’Est du Québec (ROSEQ) : Réseau régional opérant sur le plus grand territoire de la province, ROSEQ couvre presque toutes les régions à l’est de la ville de Québec.

• Regroupe 32 diffuseurs établis en Gaspésie, aux Îles-de-la-Madeleine, sur la Côte-Nord, au Bas-Saint-Laurent, jusqu’à Lotbinière.

• Réseau spécialisé en musique et chanson • Fonctionne sur deux réseaux de diffusion parallèles :

• Réseau des salles : Saison régulière

• Réseau d’été : Petites salles saisonnières (300 places max.)

• Organise deux vitrines artistiques annuelles pour présenter des oeuvres aux diffuseurs, sur invitation :

• Rencontre d’automne : vitrine pour le réseau des salles et le réseau d’été

• Rencontre du printemps : vitrine pour le réseau d’été seulement

• Organise la tournée en cas de sélection dans la programmation.*

 

Objectif Scène : Objectif scène couvre la région du Saguenay-Lac-Saint-Jean.

• Regroupe 7 diffuseurs pluridisciplinaires et 4 diffuseurs spécialisés (musique de création, blues & jazz et théâtre), dont certains appartiennent aux municipalités et gérés par leur service des loisirs.

• Réseau pluridisciplinaire spécialisé en musique de création et en humour *Certains diffuseurs d’Objectif Scène collaborent parfois aux tournées du ROSEQ.

 

Spectour : Ce réseau régional de diffusion couvre la région de l’Abitibi-Témiscamingue.

• Regroupe de 9 lieux de diffusions appartenant aux municipalités et qui sont gérés par leur service des loisirs

 

Diffusion Inter-Centres : Diffusion Inter-Centres est un réseau interrégional regroupant des diffuseurs établis dans plusieurs grands centres du Québec.

• Regroupe 14 diffuseurs établis à Drummondville, Gatineau, Granby, Joliette, Sainte-Thérèse, Laval, Québec, Saguenay, Sherbrooke, Saint-Hyacinthe, Saint-Jérôme, Terrebonne, Trois-Rivières & Victoriaville, dont les salle ont plus de 750 sièges.

• Organise ou facilite parfois des tournées entre les diffuseurs qu’il regroupe.

Les réseaux canadiens francophones.

La diffusion francophone ne se limitant pas au Québec, il existe des réseaux de diffusion ailleurs au Canada qui ont pour mission de programmer des artistes d’expression française.

 

Réseau Ontario : Ce réseau vise à diffuser les artistes franco-ontarien, ainsi que les artistes francophones en général.

• Regroupe 36 diffuseurs pluridisciplinaire établis dans trois secteurs distinct : l’est, le nord et le sud de l’Ontario

 

Réseau atlantique de diffusion des arts de la scène (RADARTS) : RADARTS couvre le territoire des provinces atlantiques et a pour mission de valoriser et et promouvoir les artistes acadiens et francophones.

• Regroupe 41 diffuseurs pluridisciplinaires et spécialisés établis au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, à l’Île-du-Prince-Édouard, à Terre-Neuve-et-Labrador et aux Îles-de-la-Madeleine.

• Réseau pluridisciplinaire spécialisé en musique et en humour francophone.

 

Réseau des grands espaces : Le Réseau des grand espaces est un réseau de diffuseurs d’expression française couvrant tout le territoire à l’ouest et au nord de l’Ontario.

• Regroupe 76 diffuseurs établis au Manitoba, en Saskatchewan, en Alberta, en Colombie-Britannique, au Yukon, au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest.

Réseaux et associations disciplinaires.

Bien que la majorité des diffuseurs québécois fassent partie d’un des nombreux réseaux territoriaux, il est important de souligner la présence parallèle de plusieurs réseaux dits « disciplinaires », qui regroupent des diffuseurs spécialisés dans une discipline précise. Avec les nombreuses associations disciplinaires qui travaillent au développement de la diffusion de leur secteur, ces réseaux spécialisés complètent le coeur de l’écosystème de la diffusion au Québec. Voici quelques exemples de réseaux disciplinaires et d’associations qui travaillent directement au développement de la diffusion de la discipline qu’ils représentent (à noter qu’il en existe bien d’autres).

 

Les Voyagements : Réseau de diffusion regroupant 47 diffuseurs spécialisés en théâtre de création pour adulte.

 

La danse sur les routes du Québec (DSR) : Organisme oeuvrant auprès des compagnies et des diffuseurs afin de développer la diffusion de la danse par des vitrines, l’enrichissement des connaissances et autres événements de diffusion.

 

CanDanse : Réseau national voué à la création et à la diffusion de danse contemporaine regroupant 46 diffuseurs à travers le Canada.

 

Conseil québécois de la musique (CQM) : Regroupement d’artistes et organismes issus domaine de la musique de concert ayant pour mission de développer le secteur par de la formation et l’offre d’une vitrines artistiques en ligne, Circulation de la musique.

Les clés de la diffusion.

Avec ces informations en main, il devient plus facile pour un·e artiste ou compagnie de cibler quels réseaux de diffusion sont les plus appropriés pour leur pratique. Ceci dit, il ne suffit pas simplement de frapper aux portes du bon diffuseur pour immédiatement intégrer sa programmation. La qualité de son offre artistique, le matériel promotionnel soumis, ainsi que la relation interpersonnelle qu’on entretient avec les diffuseurs sont toutes aussi essentiels. De plus, il faut garder à l’esprit les réseaux de diffusion ont eux-même comme mission de répondre à la demande artistique propre aux populations qu’ils desservent. Il doivent composer en partie avec des impératifs qui leur sont imposés par le public. Somme toutes, c’est en établissant un échéancier et une stratégie de sollicitation qu’on augmente ses chances de rejoindre de nouveaux publics et d’étendre ses activités.

N. B. : Les information partagées dans cet article sont tirées directement des sites des des organisations décrites, ainsi que des documents compilés par la Machinerie avec l’aide de ressources reconnues dans le milieu.

Comment optimiser ses outils numériques pour faciliter son travail de diffusion?

Le déploiement d’un spectacle nécessite énormément de ressources, tant au niveau humain que financier et temporel. Ceci dit, il est possible d’augmenter l’efficacité et le rayonnement de ses sollicitations grâce aux outils numériques.

L’équipe de la Machinerie a rencontré Pierre-David Rodrigue, directeur général de La Danse sur les routes du Québec, afin de nous partager ses réflexions sur le sujet.

Machinerie : Comment bien s’outiller pour la diffusion à l’ère du numérique?

Pierre-David : Le premier outil qui permet la fidélisation de diffuseurs est la base de données détaillée et à jour. Cela désigne un aussi un logiciel qui peut fonctionner en interopérabilité avec d’autres systèmes (par exemple, pouvoir générer des infolettres ciblées à partir de cette base de données). Tout comme il y a de plus en plus d’initiatives pour mieux connaître son public, les compagnies de production doivent déployer les mêmes efforts que du côté des diffuseurs. Cela demande néanmoins un investissement de temps monumental, car cette base de données doit être construite sur du long terme. L’idée est d’offrir des communications de plus en plus personnalisées aux diffuseurs, tout en simplifiant leur travail. Nous voulons offrir de la valeur ajoutée dans notre offre culturelle, l’accès au bon contenu et à du matériel visuel. Ceci dit, offrir cette facilité aux diffuseurs provoque plus de travail du côté des compagnies et collectifs. C’est dans ce contexte que des stratégies numériques et des outils de travail peuvent faire la différence. Si nous construisons des outils détaillés et à jour, automatisons plusieurs tâches, rendons les systèmes interopérables, la performance est plus simple à atteindre.

Machinerie : Est-ce qu’il existe des CRM accessibles et peu coûteux?

Pierre-David : Investir dans un Customer Relationship Management (un outil de gestion de relation client) peut en valoir la peine afin d’avoir accès à l’intelligence d’affaires disponible (c’est-à-dire les tableaux de bord, les filtres de recherche, l’archivage, etc.). Les coûts découlent principalement du temps investi par l’équipe pour construire une base de données pertinente. Au final, peu importe que ce soit un logiciel (Filemaker), une base de données web (Airtable, Eudonet) ou un gros fichier Excel. Ultimement, ce qui rend l’outil puissant,c’est la logique d’organisation du travail qui est derrière et l’expertise pour valoriser les données. L’outil importe peu, tant que l’information contenue dans ce CRM ne dort pas.

Aussi, il est vital d’en revenir à l’aspect humain incontournable dans les efforts de diffusion. C’est une chose de faire des envois ciblés, de construire l’historique d’un diffuseur. Cependant, il faut entretenir une relation humaine avec ces individus, et cette force interpersonnelle ne résulte pas d’un outil performant. Il faut donc une combinaison des deux!

Ultimement, ce qui rend l’outil puissant,c’est la logique d’organisation du travail qui est derrière et l’expertise pour valoriser les données. L’outil importe peu, tant que l’information contenue dans ce CRM ne dort pas.

Machinerie : Les efforts de diffusion se fondent autour de la culture interpersonnelle et du dialogue entamé avec son réseau de diffuseurs. Comment le CRM s’insère dans ces actions relationnelles?

Pierre-David : Premièrement, la rencontre humaine est complémentaire et essentielle. Je ne pense pas qu’il est possible de faire le développement d’un spectacle en ayant qu’un excellent CRM, une campagne d’infolettre ou un site web. Il y a des compagnies qui font du très bon travail de diffusion en ne misant que sur le contact humain et qui ont un site web et des outils de travail ordinaires. Après, est-ce qu’ils vont au maximum de leur capacité? Iraient-ils plus loin avec de meilleurs outils? Le facteur relationnel est déterminant et ne s’enlève pas de l’équation. Les diffuseurs reçoivent tellement de sollicitations! S’ils ne connaissent pas l’artiste, ils risquent de moins accorder de valeur au produit culturel.

C’est la présence physique qui est essentielle, dans les événements contact, lors de spectacles, au cours des premières, pour développer son réseau de diffusion. Il faudrait avoir un budget de voyage, si possible. Il est possible de faire de la diffusion sans rencontres, mais c’est plus ardu. Il faut un équilibre entre les deux.

La personne qui a une pensée numérique va adapter sa culture de travail pour ne pas simplement archiver des informations dans sa base de données. Il faut les mettre en relation et les utiliser. Créer de l’automatisation. En développant des spectacles et des marchés sur plusieurs continents, il faut des outils qui sont là pour se charger de faire une partie du travail à sa place. Par la suite, il faut utiliser son expertise et son expérience pour interpréter ces informations. Les efforts de diffusion sont performants selon la capacité que l’on peut déployer à évaluer ses marchés.

Machinerie : Bref, le numérique ne pourra jamais remplacer l’humain!

Pierre-David : Le numérique nous permet de mieux travailler, d’aller plus loin. Peut-être de travailler plus finement. Les outils permettent de développer un plus grand réseau de diffuseurs que nous ne serions pas capable de gérer simplement avec un rolodex de cartes d’affaires. Ou avec un même niveau de précision. Mais cela peut nous aider à gérer un plus grand volume de relations!

Au final, les outils numériques viennent complémenter un savoir-faire et une présence humaine qu’il faut nécessairement développer. Le défi est d’agrandir son réseau et le volume de sollicitations!

Pierre-David Rodrigue a siégé sur de nombreux conseils d’administration, notamment à Danse-Cité. Détenteur d’une maîtrise en gestion des entreprises culturelles de HEC Montréal et d’un baccalauréat en arts visuels et médiatiques de l’UQAM, il a fait ses armes au Conseil québécois de la musique, où il a, entre autres, mis en œuvre un plan d’action visant le développement des tournées et réalisé les Grands rendez-vous de la musique. Mentor à HEC Montréal, il a participé à des conférences sur les enjeux de la diffusion.

Depuis son arrivée à La danse sur les routes du Québec il a su être un agent de changement qui a favorisé l’implantation de pratiques inclusives pour les artistes visés par l’équité. Il a aussi assumé un leadership rassembleur en créant le Laboratoire de développement des publics de la danse à l’aide du numérique et en initiant l’une des premières mutualisations de données de la danse au Québec.