Comment optimiser ses outils numériques pour faciliter son travail de diffusion?

Le déploiement d’un spectacle nécessite énormément de ressources, tant au niveau humain que financier et temporel. Ceci dit, il est possible d’augmenter l’efficacité et le rayonnement de ses sollicitations grâce aux outils numériques.

L’équipe de la Machinerie a rencontré Pierre-David Rodrigue, directeur général de La Danse sur les routes du Québec, afin de nous partager ses réflexions sur le sujet.

Machinerie : Comment bien s’outiller pour la diffusion à l’ère du numérique?

Pierre-David : Le premier outil qui permet la fidélisation de diffuseurs est la base de données détaillée et à jour. Cela désigne un aussi un logiciel qui peut fonctionner en interopérabilité avec d’autres systèmes (par exemple, pouvoir générer des infolettres ciblées à partir de cette base de données). Tout comme il y a de plus en plus d’initiatives pour mieux connaître son public, les compagnies de production doivent déployer les mêmes efforts que du côté des diffuseurs. Cela demande néanmoins un investissement de temps monumental, car cette base de données doit être construite sur du long terme. L’idée est d’offrir des communications de plus en plus personnalisées aux diffuseurs, tout en simplifiant leur travail. Nous voulons offrir de la valeur ajoutée dans notre offre culturelle, l’accès au bon contenu et à du matériel visuel. Ceci dit, offrir cette facilité aux diffuseurs provoque plus de travail du côté des compagnies et collectifs. C’est dans ce contexte que des stratégies numériques et des outils de travail peuvent faire la différence. Si nous construisons des outils détaillés et à jour, automatisons plusieurs tâches, rendons les systèmes interopérables, la performance est plus simple à atteindre.

Machinerie : Est-ce qu’il existe des CRM accessibles et peu coûteux?

Pierre-David : Investir dans un Customer Relationship Management (un outil de gestion de relation client) peut en valoir la peine afin d’avoir accès à l’intelligence d’affaires disponible (c’est-à-dire les tableaux de bord, les filtres de recherche, l’archivage, etc.). Les coûts découlent principalement du temps investi par l’équipe pour construire une base de données pertinente. Au final, peu importe que ce soit un logiciel (Filemaker), une base de données web (Airtable, Eudonet) ou un gros fichier Excel. Ultimement, ce qui rend l’outil puissant,c’est la logique d’organisation du travail qui est derrière et l’expertise pour valoriser les données. L’outil importe peu, tant que l’information contenue dans ce CRM ne dort pas.

Aussi, il est vital d’en revenir à l’aspect humain incontournable dans les efforts de diffusion. C’est une chose de faire des envois ciblés, de construire l’historique d’un diffuseur. Cependant, il faut entretenir une relation humaine avec ces individus, et cette force interpersonnelle ne résulte pas d’un outil performant. Il faut donc une combinaison des deux!

Ultimement, ce qui rend l’outil puissant,c’est la logique d’organisation du travail qui est derrière et l’expertise pour valoriser les données. L’outil importe peu, tant que l’information contenue dans ce CRM ne dort pas.

Machinerie : Les efforts de diffusion se fondent autour de la culture interpersonnelle et du dialogue entamé avec son réseau de diffuseurs. Comment le CRM s’insère dans ces actions relationnelles?

Pierre-David : Premièrement, la rencontre humaine est complémentaire et essentielle. Je ne pense pas qu’il est possible de faire le développement d’un spectacle en ayant qu’un excellent CRM, une campagne d’infolettre ou un site web. Il y a des compagnies qui font du très bon travail de diffusion en ne misant que sur le contact humain et qui ont un site web et des outils de travail ordinaires. Après, est-ce qu’ils vont au maximum de leur capacité? Iraient-ils plus loin avec de meilleurs outils? Le facteur relationnel est déterminant et ne s’enlève pas de l’équation. Les diffuseurs reçoivent tellement de sollicitations! S’ils ne connaissent pas l’artiste, ils risquent de moins accorder de valeur au produit culturel.

C’est la présence physique qui est essentielle, dans les événements contact, lors de spectacles, au cours des premières, pour développer son réseau de diffusion. Il faudrait avoir un budget de voyage, si possible. Il est possible de faire de la diffusion sans rencontres, mais c’est plus ardu. Il faut un équilibre entre les deux.

La personne qui a une pensée numérique va adapter sa culture de travail pour ne pas simplement archiver des informations dans sa base de données. Il faut les mettre en relation et les utiliser. Créer de l’automatisation. En développant des spectacles et des marchés sur plusieurs continents, il faut des outils qui sont là pour se charger de faire une partie du travail à sa place. Par la suite, il faut utiliser son expertise et son expérience pour interpréter ces informations. Les efforts de diffusion sont performants selon la capacité que l’on peut déployer à évaluer ses marchés.

Machinerie : Bref, le numérique ne pourra jamais remplacer l’humain!

Pierre-David : Le numérique nous permet de mieux travailler, d’aller plus loin. Peut-être de travailler plus finement. Les outils permettent de développer un plus grand réseau de diffuseurs que nous ne serions pas capable de gérer simplement avec un rolodex de cartes d’affaires. Ou avec un même niveau de précision. Mais cela peut nous aider à gérer un plus grand volume de relations!

Au final, les outils numériques viennent complémenter un savoir-faire et une présence humaine qu’il faut nécessairement développer. Le défi est d’agrandir son réseau et le volume de sollicitations!

Pierre-David Rodrigue a siégé sur de nombreux conseils d’administration, notamment à Danse-Cité. Détenteur d’une maîtrise en gestion des entreprises culturelles de HEC Montréal et d’un baccalauréat en arts visuels et médiatiques de l’UQAM, il a fait ses armes au Conseil québécois de la musique, où il a, entre autres, mis en œuvre un plan d’action visant le développement des tournées et réalisé les Grands rendez-vous de la musique. Mentor à HEC Montréal, il a participé à des conférences sur les enjeux de la diffusion.

Depuis son arrivée à La danse sur les routes du Québec il a su être un agent de changement qui a favorisé l’implantation de pratiques inclusives pour les artistes visés par l’équité. Il a aussi assumé un leadership rassembleur en créant le Laboratoire de développement des publics de la danse à l’aide du numérique et en initiant l’une des premières mutualisations de données de la danse au Québec.