Quelques clés pour rédiger une demande de subvention

Cet article s’adresse aux artistes et aux directions artistiques de compagnie, ainsi qu’aux gestionnaires culturels qui oeuvrent dans les sphères administratives.

Rédiger une demande de subvention, ce n’est pas sorcier. Cela requiert seulement quelques prérequis ainsi qu’une structure de rédaction claire et échelonnée dans le temps pour éviter de subir la pression d’un sprint final … ainsi qu’un envoi à 23h35 à la date d’échéance! Bien souvent, ce passage obligatoire pour le financement de ses créations artistiques représente une occasion de faire maturer sa vision, d’échanger avec ses collaborateurs et de préciser son projet.

L’impulsion de départ.

Un dépôt d’une demande de bourse de recherche et création ou une subvention à la production auprès d’un Conseil des arts doit répondre à une impulsion artistique forte. Il n’est pas nécessaire de déposer une nouvelle création à chaque appel à projet ou dès que le rapport final du projet antérieur est soumis. Il faut suivre un rythme de création, de production et de tournée qui convient et correspond à la nature de son travail artistique. Ce n’est pas l’opportunité financière, mais plutôt la volonté de porter un nouveau projet artistique qui doit être au coeur des motivations.

Réserver du temps à votre agenda.

Échelonner les étapes de préparation et de rédaction dans le temps est primordial. C’est pourquoi il est conseillé de réserver des plages horaires de 3 à 5 heures (selon votre capacité de concentration) régulièrement jusqu’à la date de tombée ou l’objectif fixé. Au préalable, il est judicieux de regarder la listes des annexes à fournir et de solliciter les personnes (collaborateur·trice·s, diffuseurs, vidéaste, etc.) qui doivent fournir du matériel (lettre d’intention ou d’appui, CV, etc.) le plus tôt possible en leur indiquant l’échéancier. Cela permettra de pouvoir relancer si nécessaire. Aussi, il peut être judicieux de demander de l’aide à la révision auprès d’une personne extérieure qui aura un regard neuf sur la demande. Il est préférable de l’aviser en amont et de lui indiquer le moment de l’envoi des différentes ébauches de la demande.

Le syndrome de la page blanche.

Le format des formulaires de demandes de bourse ou de subvention ne sont pas toujours les plus invitants pour démarrer un processus créatif de rédaction. Il n’y a pas de contre-indication à griffonner au préalable les idées centrales de la création artistique ainsi que les questions de recherche qui habitent le processus créatif sur un petit cahier ou dans un document Word. Pour éviter de faire fausse route, il est important de bien prendre connaissance des lignes directrices des programmes pour comprendre leurs objectifs, les conditions d’admissibilité mais aussi les critères d’évaluation. Enfin, avant de débuter la rédaction à proprement parlé, il est judicieux de lire toutes les questions du formulaire et de lister pour chacun des points les idées à aborder. Cela donnera un canevas de base pour ne rien oublier, mais aussi éviter de rédiger trop de textes que seraient ensuite à couper.

Susciter la curiosité des pairs.

Qu’est ce qu’un bon projet artistique? C’est – entre autres – un projet qui va piquer la curiosité du jury d’évaluation composé des pairs de votre secteur artistique. C’est à eux que la demande est adressée! L’exercice consiste alors à expliquer clairement les intentions artistiques du projet, mais aussi ce qui est recherché, remis en question ou exploré. Il est parfois difficile d’avancer des certitudes alors que la création n’a pas encore débuté. Ce n’est pas grave! Les questions sont parfois plus porteuses qu’une affirmation surtout dans une demande de bourse de recherche. Certaines questions peuvent aider à décrire un projet artistique, mais surtout à déterminer ses forces.

Une bonne demande de subvention est une subvention dont le projet artistique, son échéancier de réalisation et son budget sont cohérents et complémentaires.

La recherche du « wow ».

Souvent, c’est ce qui est le plus évident pour l’artiste qui n’est pas exprimé dans une demande. Certaines questions permettent de nourrir le processus de rédaction pour sortir des habitudes et adapter votre projet au contexte de rédaction. Quel est le sujet du projet artistique? Est-ce rassembleur? Réflexif? Nécessaire? Lié à une actualité? Ou est-ce une création de « recherche fondamentale » dont le sujet est le renouvellement d’une discipline ou l’innovation technologique? Quel est votre traitement artistique? En quoi est-il unique? Est-ce que le spectacle aura une adresse particulière au public? Pourquoi? À quelle urgence cette création répond-elle? Est-ce qu’elle fait écho à une oeuvre phare?

Ancrer le projet dans une démarche.

Il est conseillé de situer cette création dans la démarche artistique du créateur·trice, de manière plus générale. Cette ouverture sur la carrière au sein de la demande de subvention permet de mieux comprendre le cheminement du créateur·trice. Alors bien sûr, une démarche artistique est rarement linéaire et parfois certains détours sont nécessaires. En quoi cette création développe la pratique artistique? Comment cette recherche fait évoluer l’artiste? Est-ce que cette idée s’inscrit dans un cycle de recherche? Quelles sont les constances qu’il existe entre les dernières créations et celles-ci?

Une équipe au coeur du projet.

En arts de la scène, un projet ne peut pas se réaliser seul. Il sera crucial de bien présenter les équipes artistiques, de conception et de production. Qui sont les comparses de la création? Comment articuler l’apport de chacun? Est-ce de nouveaux collaborateur·trice·s ou des parties prenantes fidèles ? Selon les ressources financières et bien d’autres facteurs, il n’y a pas deux organigrammes des ressources humaines d’un projet qui seront similaires. Quelles seront les synergies de création? À quelles étapes chacune des personnes impliquées vont-elles intervenir? Au stade d’un dépôt de demande de bourse subvention, il peut arriver que l’équipe artistique et quelques concepteur·trice·s soient définis mais que d’autres conceptions et l’équipe de production restent encore à déterminer. Il suffit de l’indiquer, tout simplement.

La triade gagnante.

Une bonne demande de subvention est une subvention dont le projet artistique, son échéancier de réalisation et son budget sont cohérents et complémentaires. Par exemple, s’il est expliqué qu’il y a un grand travail d’exploration physique avec les comédien·ne·s, mais qu’à l’échéancier il n’est prévu une seule semaine de résidence avec les interprètes avant l’entrée en salle; cela va susciter des questions auprès du jury. La faisabilité du projet pourrait être remis en question. Dans l’échéancier qui doit être réaliste et précis, il est pertinent de mentionner toutes les étapes de création : du travail de table, aux réunions de production, aux résidences sèches et techniques, à l’entrée en salle. Indiquer le nombre d’heures de travail par résidence aide à jury à faire le lien avec les choix budgétaires qui sont proposés au budget. Enfin, il n’y a jamais trop de notes dans un budget de production (par exemple : nom et/ou nombre de personnes, taux horaire ou journalier, nombre de jours, nombre de représentations…). L’objectif d’une dernière relecture permet bien souvent de valider la cohérence de cette triade et de s’assurer que la faisabilité du projet sera garantie!

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Monter un budget de production optimal

Cet article s’adresse aux directions de production, ainsi qu’aux créateur·trice·s d’un projet artistique dans le contexte d’une équipe réduite.

Un budget de production est un outil essentiel pour le bon déroulement d’un processus créatif et la genèse d’un projet artistique. Il incarne une référence financière exacte à chaque étape du projet et permet d’éviter des situations préoccupantes en cours de production.

Partir de la base.

En culture, l’argent peut être source de stress et d’insécurité puisque nous sommes majoritairement dépendants des différents Conseils des arts. Pourtant, un budget de production bien ficelé et mis à jour souvent permet de prendre conscience des réelles capacités financières d’une production et de faire des choix artistiques et administratifs conséquents. Il devient alors une référence précieuse et sécurisante. La première étape pour monter un budget de production est la plus simple, mais la plus négligée. Il est essentiel de lister tous les revenus confirmés (subventions, commandites, dons, échange de service, revenus autonomes) et tous les postes de dépenses réels liés à la production (cachets, locations, achat, transport, frais administratifs, etc.). Si vous avez fait des demandes de subventions pour votre projet, vous avez déjà une bonne première ébauche de votre budget! Il est tout de même conseillé de partir d’un nouveau modèle afin de pouvoir le modifier et l’ajuster à votre convenance. Certains administrateurs préfèrent commencer par préparer un budget de production avant de faire des dépôts pour établir la stratégie de dépôt de demande de subvention. Selon les besoins financiers de la création, on peut demander une bourse puis une subvention de production; ou tout simplement décider de demander directement de l’aide financière à la production sur le projet est assez mature artistiquement et que les partenaires sont confirmés.

Différence entre un budget de production et un budget de subvention.

Un budget de subvention est la première tâche que vous allez faire si vous demandez des subventions aux différents paliers gouvernementaux. Il est toujours bâti en amont de la production et reflète l’ensemble des revenus et les dépenses dans un scénario idéal. Il est primordial de penser à mettre toutes les données monétaires possibles, avec le plus d’exactitude possible. Il ne faut pas avoir peur d’être honnête dans l’énumération de ses cachets et dépenses pour avoir une idée réaliste et juste de tous les coûts de production. Diminuer certains postes budgétaires pour faire baisser le montant demandé de peur d’être trop gourmand auprès des bailleurs de fonds n’est jamais une bonne idée. Il faut être sincère et concret. Imaginez qu’on vous accorde l’entièreté de ce que vous aviez demandé et que vous êtes en mesure de faire votre production de rêve sans contraintes financières! Un budget de production se monte lorsque les dates de diffusion sont officialisées et que toutes les entrées financières sont confirmées. Il doit être fait avant d’entrer en répétition avec les artistes et collaborateurs. Vous avez alors en votre possession le coût total maximum (totalité des revenus) que vous devez respecter pour votre production. Un mot à toujours avoir en tête dans la dynamique d’un budget de production : l’équilibre. Il faut alors refaire l’exercice de lister toutes les dépenses envisagées de la production pour mieux visualiser l’écart (positif ou négatif) avec les revenus confirmés. De cette façon, vous serez en mesure de prendre des décisions éclairées quant aux différents postes budgétaires afin de toujours respecter l’argent disponible à la production de votre spectacle. Il ne faut pas avoir peur de faire les meilleurs choix pour la production et pour un bon équilibre mental. Il vaut mieux reporter un projet par manque de ressources financières plutôt que mettre la compagnie en péril, ou de s’endetter personnellement!

Un mot à toujours avoir en tête dans la dynamique d’un budget de production : l’équilibre.

Tenir le budget à jour.

Vous avez maintenant tout ce qu’il faut pour débuter votre production! Votre budget devient alors la ligne directrice financière du projet. Il permet de fixer les cachets (prédéfinis) des collaborateurs pour s’y fier lors de la rédaction des contrats et d’avoir une vue d’ensemble sur les dépenses liées aux frais de création (variables). Toujours avec les factures en main, vous devez ajuster votre budget prévu fréquemment en fonction des dépenses réelles afin de s’assurer qu’aucun déficit n’est en train de se créer. Par contre, les montants prévus aux postes budgétaires peuvent bouger. Par exemple, si vous avez prévu 500$ en frais de costumes et 1000$ pour un décor et qu’en cours de production vous vous rendez compte que les décors coûteront plus cher et que les costumes seront moins onéreux, vous pouvez réviser votre budget au fur et à mesure pour toujours rester dans l’équilibre (250$ en costume et 1250$ en décor, disons).

La reddition de compte.

Le budget n’est pas seulement important en amont et pendant la production. Il reste tout aussi précieux après les représentations. La majorité des partenaires financiers exigeront un budget de production final, portrait juste des activités monétaires de la production. Souvent à joindre au bilan, en post mortem de la production, divulguer un budget final rigoureux et transparent crédibilise vos capacités de gestion et assure un sérieux et une confiance auprès des différents alliés financiers.

Dernière astuce.

Organiser l’information contenue dans vos budgets en détaillant les postes budgétaires et en créant plusieurs colonnes facilite le travail. Il n’y a jamais trop de détails! Par exemple, dans le même budget vous pouvez inscrire dans une première colonne les dépenses reliées à la recherche et à la création; dans une seconde la production qui inclut la première diffusion et dans une troisième la reprise d’œuvre si elle est déjà planifiée. Dans ce cas-ci, vous pourrez plus facilement faire une reddition de compte pour les bourses de recherche obtenues et les subventions de production. Dans d’autres cas, il peut être plus judicieux d’avoir une colonne qui correspond au budget prévisionnel avant le dépôt des subventions, une qui propose un scénario révisé et équilibré, une autre qui présente l’argent qui a été réellement dépensé. Pour faciliter les suivis administratifs, vous pouvez aussi ajouter une colonne qui calcule l’écart entre le réel et le révisé afin de voir les suivis de paiements qui sont à réaliser.

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