Comment optimiser ses outils numériques pour faciliter son travail de diffusion?

Le déploiement d’un spectacle nécessite énormément de ressources, tant au niveau humain que financier et temporel. Ceci dit, il est possible d’augmenter l’efficacité et le rayonnement de ses sollicitations grâce aux outils numériques.

L’équipe de la Machinerie a rencontré Pierre-David Rodrigue, directeur général de La Danse sur les routes du Québec, afin de nous partager ses réflexions sur le sujet.

Machinerie : Comment bien s’outiller pour la diffusion à l’ère du numérique?

Pierre-David : Le premier outil qui permet la fidélisation de diffuseurs est la base de données détaillée et à jour. Cela désigne un aussi un logiciel qui peut fonctionner en interopérabilité avec d’autres systèmes (par exemple, pouvoir générer des infolettres ciblées à partir de cette base de données). Tout comme il y a de plus en plus d’initiatives pour mieux connaître son public, les compagnies de production doivent déployer les mêmes efforts que du côté des diffuseurs. Cela demande néanmoins un investissement de temps monumental, car cette base de données doit être construite sur du long terme. L’idée est d’offrir des communications de plus en plus personnalisées aux diffuseurs, tout en simplifiant leur travail. Nous voulons offrir de la valeur ajoutée dans notre offre culturelle, l’accès au bon contenu et à du matériel visuel. Ceci dit, offrir cette facilité aux diffuseurs provoque plus de travail du côté des compagnies et collectifs. C’est dans ce contexte que des stratégies numériques et des outils de travail peuvent faire la différence. Si nous construisons des outils détaillés et à jour, automatisons plusieurs tâches, rendons les systèmes interopérables, la performance est plus simple à atteindre.

Machinerie : Est-ce qu’il existe des CRM accessibles et peu coûteux?

Pierre-David : Investir dans un Customer Relationship Management (un outil de gestion de relation client) peut en valoir la peine afin d’avoir accès à l’intelligence d’affaires disponible (c’est-à-dire les tableaux de bord, les filtres de recherche, l’archivage, etc.). Les coûts découlent principalement du temps investi par l’équipe pour construire une base de données pertinente. Au final, peu importe que ce soit un logiciel (Filemaker), une base de données web (Airtable, Eudonet) ou un gros fichier Excel. Ultimement, ce qui rend l’outil puissant,c’est la logique d’organisation du travail qui est derrière et l’expertise pour valoriser les données. L’outil importe peu, tant que l’information contenue dans ce CRM ne dort pas.

Aussi, il est vital d’en revenir à l’aspect humain incontournable dans les efforts de diffusion. C’est une chose de faire des envois ciblés, de construire l’historique d’un diffuseur. Cependant, il faut entretenir une relation humaine avec ces individus, et cette force interpersonnelle ne résulte pas d’un outil performant. Il faut donc une combinaison des deux!

Ultimement, ce qui rend l’outil puissant,c’est la logique d’organisation du travail qui est derrière et l’expertise pour valoriser les données. L’outil importe peu, tant que l’information contenue dans ce CRM ne dort pas.

Machinerie : Les efforts de diffusion se fondent autour de la culture interpersonnelle et du dialogue entamé avec son réseau de diffuseurs. Comment le CRM s’insère dans ces actions relationnelles?

Pierre-David : Premièrement, la rencontre humaine est complémentaire et essentielle. Je ne pense pas qu’il est possible de faire le développement d’un spectacle en ayant qu’un excellent CRM, une campagne d’infolettre ou un site web. Il y a des compagnies qui font du très bon travail de diffusion en ne misant que sur le contact humain et qui ont un site web et des outils de travail ordinaires. Après, est-ce qu’ils vont au maximum de leur capacité? Iraient-ils plus loin avec de meilleurs outils? Le facteur relationnel est déterminant et ne s’enlève pas de l’équation. Les diffuseurs reçoivent tellement de sollicitations! S’ils ne connaissent pas l’artiste, ils risquent de moins accorder de valeur au produit culturel.

C’est la présence physique qui est essentielle, dans les événements contact, lors de spectacles, au cours des premières, pour développer son réseau de diffusion. Il faudrait avoir un budget de voyage, si possible. Il est possible de faire de la diffusion sans rencontres, mais c’est plus ardu. Il faut un équilibre entre les deux.

La personne qui a une pensée numérique va adapter sa culture de travail pour ne pas simplement archiver des informations dans sa base de données. Il faut les mettre en relation et les utiliser. Créer de l’automatisation. En développant des spectacles et des marchés sur plusieurs continents, il faut des outils qui sont là pour se charger de faire une partie du travail à sa place. Par la suite, il faut utiliser son expertise et son expérience pour interpréter ces informations. Les efforts de diffusion sont performants selon la capacité que l’on peut déployer à évaluer ses marchés.

Machinerie : Bref, le numérique ne pourra jamais remplacer l’humain!

Pierre-David : Le numérique nous permet de mieux travailler, d’aller plus loin. Peut-être de travailler plus finement. Les outils permettent de développer un plus grand réseau de diffuseurs que nous ne serions pas capable de gérer simplement avec un rolodex de cartes d’affaires. Ou avec un même niveau de précision. Mais cela peut nous aider à gérer un plus grand volume de relations!

Au final, les outils numériques viennent complémenter un savoir-faire et une présence humaine qu’il faut nécessairement développer. Le défi est d’agrandir son réseau et le volume de sollicitations!

Pierre-David Rodrigue a siégé sur de nombreux conseils d’administration, notamment à Danse-Cité. Détenteur d’une maîtrise en gestion des entreprises culturelles de HEC Montréal et d’un baccalauréat en arts visuels et médiatiques de l’UQAM, il a fait ses armes au Conseil québécois de la musique, où il a, entre autres, mis en œuvre un plan d’action visant le développement des tournées et réalisé les Grands rendez-vous de la musique. Mentor à HEC Montréal, il a participé à des conférences sur les enjeux de la diffusion.

Depuis son arrivée à La danse sur les routes du Québec il a su être un agent de changement qui a favorisé l’implantation de pratiques inclusives pour les artistes visés par l’équité. Il a aussi assumé un leadership rassembleur en créant le Laboratoire de développement des publics de la danse à l’aide du numérique et en initiant l’une des premières mutualisations de données de la danse au Québec.

Élaborer le déploiement de sa mission : plan stratégique ou plan d’action?

Cet article s’adresse aux directions générales et artistiques d’une compagnie de création ou de tout organisme culturel ainsi qu’aux individus qui siègent sur des conseils d’administration.

Dans chaque organisation culturelle, les directions sont amenées à planifier le déploiement de leur mission et le développement de leurs activités à court, moyen et long terme. Pour ce faire, elles émettent toutes sorte de plans (plan d’affaires, plan stratégique, plan d’action, plan de communication) et déterminent plusieurs échéanciers. Selon le contexte, quel type de plan est utile? Quelle est la différence entre un plan stratégique et un plan d’action? Comment ces divers plans dialoguent-ils entre eux? Quelles sont les clés de leur mise en exécution concrète? Il existe bien évidemment plusieurs façons de faire qui varient selon les secteurs, les ressources de l’organisation et sa « maturité » organisationnelle.

Ai-je besoin d’un plan d’affaires?

Certains plans sont circonstanciels à une étape de développement; d’autres sont cycliques sur des durées variables. Par exemple, un plan d’affaires s’avère nécessaire lorsqu’une organisation doit convaincre les parties prenantes que son projet « tient la route ». Il sera donc plus pertinent au démarrage d’un organisme ou s’il y a un changement majeur qui vient modifier le modèle financier et d’affaires (par exemple, l’immobilisation d’un lieu de création). Un plan d’affaires va présenter en détail les objectifs projetés du projet, contenir une description détaillée de la structure souhaitée, du mode de fonctionnement et va annexer un plan budgétaire de financement (budget du démarrage et budget des opérations). Pour des structures plus « classiques » dont le modèle a été maintes fois approuvé (par exemple, une compagnie à créateur·trice unique), cet exercice semble moins pertinent. Il peut être un bon allié pour définir une structure beaucoup plus atypique (par exemple, un organisme de service, un modèle mutualisé, etc.).

Complémentarité entre un plan stratégique et un plan d’action.

Pour certains, la différence entre un plan stratégique et un plan d’action n’est pas très évidente. Ce sont les contenus qui varient, ainsi que la nature de l’exercice de réflexion qui va mener à leur rédaction. Un plan stratégique s’inscrit dans une démarche plus générale et large d’introspection organisationnelle. Celui-ci définit les orientations fondamentales pour l’avenir de l’organisation. Il s’agit donc un plan à moyen terme qui porte sur les objectifs et sur les grandes lignes des actions à mener en fonction des choix stratégiques. Il peut contenir une actualisation de la mission, une définition d’une nouvelle vision (le grand rêve!), une définition des valeurs; cela concerne davantage l’identité de la compagnie, son ADN. Les autres éléments importants qui constituent un plan stratégique sont la liste numérotée des enjeux et des orientations, la mise en œuvre de ces derniers à travers des actions. On peut aussi y ajouter le mode de fonctionnement de l’organisation (par exemple, le rôle succinct de la direction, du CA, de l’équipe, etc.) Un plan d’action est beaucoup plus synthétique et se présente souvent sous forme de tableau. Il permet de présenter dans le détail les actions à mener et les moyens nécessaires pour atteindre les objectifs quantitatifs ou qualitatifs à moyen terme. Il constitue un outil de travail qui assure le processus nécessaire pour la réalisation de la mission, en répondant aux questions essentielles : Quoi? Quand? Par qui? Comment? Selon quels barèmes? Ces deux outils sont donc très complémentaires puisque le plan d’action permet de mettre en œuvre le plan stratégique. Selon les besoins d’une organisation, sa taille et ses enjeux, il arrive d’effectuer un seul plan « hybride » qui contient autant les grandes orientations et stratégies que les actions très concrètes.

Bien souvent, le cheminement qui permet la rédaction d’un plan est tout autant important que le résultat comme tel. C’est l’occasion de mobiliser une équipe de manière transversale, de remettre en question certains principes, de rêver ensemble, de concrétiser des objectifs qui ont du sens et de prendre un certain nombre de décisions.

Quels sont les types de plans plus « opérationnels »?

Un plan d’action et un plan de communication sont des outils opérationnels à usage interne et ne sont pas nécessairement adoptés en conseil d’administration. Rien n’empêche toutefois de les présenter durant un conseil pour mobiliser des administrateurs sur des points spécifiques ou tout simplement informer de la tangente que prend l’organisation. Un plan de communication regroupe les stratégies de marketing, identifie les publics et objectifs pour les communications d’un projet tout en planifiant les actions, le budget et l’échéancier. Il est souvent rédigé par les directions et le·la responsable des communications.

Fréquence et durée d’un plan.

Il n’y a pas de standard concernant la durée d’un plan. Cela dépend des contenus du plan, du type d’organisation ou des événements (par exemple, une nouvelle direction). Un plan peut donc être annuel, bisannuel, quadriennal, quinquennal ou pour une période de 18 mois. Il est intéressant d’arrimer la durée d’un plan sur le cycle des activités artistiques ou sur son cycle de financement pour ceux qui sont soutenus par un bailleur de fonds de manière récurrente. Cela simplifie l’élaboration des prévisions, des bilans d’activités, de l’analyse de l’impact et de l’atteinte de la mission. Au-delà de trois ans, un plan devient rapidement désuet puisque le milieu artistique et culturel évolue très rapidement (transformation numérique, mutations des pratiques du milieu du travail, changement dans les ressources humaines, etc.). Les organisations peuvent donc rapidement ressentir le besoin de renouveler l’exercice réflexif pour repenser son modèle, ses rêves, ses objectifs.

Un plan : un outil pour gouverner.

Comme le dit l’expression latine d’Horace : « les paroles s’envolent, les écrits restent ». Cela constitue l’avantage notable d’utiliser des plans synthétiques qui deviennent des outils de référence pour l’ensemble d’une équipe. Formulés à l’écrit, ils sont facilement transférables à un·e nouveau·velle collaborateur·trice qui n’aurait pas participé aux réflexions initiales, par exemple. À la différence d’un verbatim d’une journée de réflexion, un plan a le bénéfice d’être concis, précis et très concret. Sa lecture est donc rapide et permet de travailler efficacement en équipe dans la réalisation du plan. Bien souvent, le cheminement qui permet la rédaction d’un plan est tout autant important que le résultat comme tel. C’est l’occasion de mobiliser une équipe de manière transversale, de remettre en question certains principes, de rêver ensemble, de concrétiser des objectifs qui ont du sens et de prendre un certain nombre de décisions. Ensuite, quand « tout s’accélère » et que les équipes sont dans le feu de l’action, le plan devient un guide et un moyen de prioriser. Un plan stratégique ou d’action perd tout son sens s’il est mis de côté et qu’il n’est plus consulté. Il peut servir de support chaque saison ou semestre pour faire une rétroaction des derniers mois et préparer ceux à venir. Ce sont aussi de bons outils pour émettre des ponts solides avec le conseil d’administration, la direction et les équipes en place.

Outils reliés à cet article : 111 Arbre décisionnel + 123 Plan d’affaires + 115 Plan stratégique + 116 Plan d’action

De la simple alliance vers la mutualisation de ressources

Plus qu’une simple collaboration entre des artistes et OBNL du milieu culturel, la mutualisation de ressources peut devenir un accélérateur dans le développement stratégique d’une compagnie.

L’équipe a rencontré George Krump, gestionnaire culturel ayant développé une expertise en mutualisation, afin de se prononcer sur cet enjeu.

Machinerie : Qu’est-ce que la mutualisation? Comment cette approche peut-elle se concrétiser dans la gestion d’une compagnie de production?

George : Il n’y a pas de définition ou de modèle unique de la mutualisation. Pour moi, il s’agit d’une manière de penser, de travailler en collaboration. Les fondements sont toutefois toujours les mêmes : l’action de partager ou de mettre en commun quelque chose. Bien entendu, dans la mutualisation, il y a l’idée de « mutuel », il faut regrouper plusieurs individus ou organismes dans un projet commun. Chaque partie prenante retire donc des bénéfices de cette collaboration, même si ces bénéfices ne sont pas nécessairement répartis également pour chaque partenaire.

Cette approche peut se concrétiser différemment selon la nature de la ressource à mutualiser. Il y a une multitude de possibilités de mise en commun. On pense tout de suite à des espaces, des équipements, des ressources matérielles. Cela pourrait être des individus aussi, que ce soit des employé·es ou une clientèle. Sinon, on peut souligner quelques exemples plus immatériels, c’est-à-dire des expertises, des connaissances, des données ou des territoires.

La mutualisation peut également se concrétiser dans la réalisation de la mission d’un organisme ou d’une compagnie. Des partenaires pourraient vouloir collaborer avec un OBNL ou un artiste complémentaire pour réaliser un projet ensemble (un organisme dont la force est la création et l’autre la médiation culturelle, par exemple).

L’idée n’est pas de prendre des biens et de les diviser en deux. Il s’agit plutôt de mettre en commun des ressources mutuelles ensemble. La somme des ressources impliquées rend le projet plus fort.

Machinerie : Est-ce que la mutualisation est différente d’un partenariat?

George : Partenariat, collaboration, ce sont différents mots qui vont parfois nommer la même chose. Un partenariat, le temps d’un projet, c’est une mutualisation. C’est pour cette raison que je considère la définition de la mutualisation de façon peu précise et flexible. La valeur ajoutée, c’est la façon de travailler ensemble. Dans une mutualisation, la considération de l’autre se fait en tout temps. Les parties prenantes demeurent constamment à l’affût de ce qui aurait le potentiel d’être partagé, ce qui pourrait être fait au bénéfice des partenaires.

En associant plusieurs parties prenantes ensemble, la somme de leurs actions devient plus forte. En mettant en commun les réseaux et communautés, l’impact d’une action devient plus grand, plus fort. On peut étendre notre influence et notre rayon d'action.

Machinerie : Comment envisage-t-on une telle démarche? Est-ce qu’il y a des étapes?

George : Selon le degré de complexité du projet de mutualisation, il n’est pas nécessaire de passer à travers une suite d’étapes, par exemple, pour le simple partage d’un objet.

Cependant, il y a pour moi trois conditions à remplir lorsqu’on envisage une démarche de mutualisation.

1. S’assurer d’avoir de bons partenaires.

2. Bien comprendre pourquoi les deux partenaires veulent réaliser cette démarche de mutualisation et toujours se référer à cette impulsion de départ lors de l’évolution du projet.

3. Avoir envie de collaborer ensemble. Au moins autant qu’en avoir besoin. Dans un contexte où un partenariat devient exclusivement utilitaire, les relations deviennent opportunistes et on risque de perdre l’essence même de la mutualisation.

Machinerie : Quels peuvent être les bénéfices d’une mutualisation de ressources?

George : Il faut considérer les conditions de départ, à savoir quelles sont les raisons pour lesquelles deux organismes ou individus décident de collaborer ensemble. Toutes sortes de bénéfices peuvent découler d’une mutualisation.

Bénéfices économiques : la mutualisation permet de bonifier nos activités en accédant à une capacité organisationnelle supérieure. Grâce à cette mise en commun de ressources, on peut mutuellement réaliser davantage car les capacités sont additionnées. Cela ne devient plus juste de l’économie, mais un réel partage d’expertises qui permet de produire plus. Toutefois, si l’économie monétaire est la seule raison de faire une mutualisation, ce n’est pas pérenne. Il ne faut pas sous-estimer les coûts d’une mutualisation. Plus il y a de partenaires, plus il y a du temps de coordination, ce qui a un coût en temps et en argent.

Bénéfices stratégiques ou politiques : en associant plusieurs parties prenantes ensemble, la somme de leurs actions devient plus forte. En mettant en commun les réseaux et communautés, l’impact d’une action devient plus grand, plus fort. On peut étendre notre influence et notre rayon d’action. Détail à ne pas négliger : collaborer avec un compétiteur peut bien paraître aux yeux des subventionneurs!

Bénéfices philosophiques : avoir une culture de travail cohérente avec nos valeurs ou notre mandat en instaurant une pratique de partage. Le bénéfice de ce genre de mutualisation se concrétise dans la collaboration même.

George Krump évolue dans le secteur des arts et de la culture depuis près de trente ans. Après des études en théâtre, il a œuvré pendant une quinzaine d’années comme comédien, marionnettiste, auteur, traducteur, médiateur culturel pour des compagnies francophones et anglophones, dans des productions grand public et jeune public, avant de se consacrer à la gestion culturelle, à la consultation et à la recherche.

Comme gestionnaire, il a occupé des postes de direction générale pour des compagnies de création et de production en théâtre et en danse — notamment Louise Bédard Danse pendant plus de dix ans ainsi qu’au Théâtre La Chapelle

Au cours des dernières années, il a réalisé plusieurs mandats à titre de directeur d’enquête ou de mandat, comme conseiller sénior ou animateur/facilitateur, auprès d’administrations municipales, d’institutions publiques, d’associations de secteur, d’organismes culturels et aussi auprès d’artistes individuels. Ces mandats étaient liés au développement culturel ou organisationnel, au patrimoine, aux enjeux de ressources humaines, à la planification stratégique, à la planification de projets de mutualisation, etc.

Comment savoir quand se constituer en OBNL?

Se constituer en OBNL ou ne pas se constituer : telle est la question qui survient bien souvent lorsqu’un·e artiste ou un groupe de créateur·trice·s cherche à bonifier la qualité et la portée de ses créations.

L’équipe a rencontré Paula Barsetti, directrice générale du Théâtre de la LNI et gestionnaire émérite, afin d’avoir son avis sur cette interrogation qui touche bon nombre d’artistes en développement.

Machinerie : Quels sont les facteurs à considérer et les questions à se poser avant de prendre la décision de se constituer en organisme à but non lucratif (OBNL)?

Paula : Il faut d’abord comprendre que la constitution est un engagement. Je pourrais comparer cet engagement à la différence entre habiter en colocation, et décider un jour d’acheter une maison avec des partenaires pour y vivre. En tant que locataire, on jouit d’une certaine liberté, il est possible de partir à tout moment ou de se faire remplacer par quelqu’un d’autre. Par contre, à partir du moment où on décide de passer à l’achat, on hérite de certaines responsabilités. Cela inclut, par exemple, la gestion d’un édifice et d’une hypothèque qu’on partage officiellement avec d’autres gens. Pour moi, la décision de se constituer doit répondre à la question : « Ai-je vraiment le désir de m’engager dans ce projet, considérant la charge requise pour sa mise en place? » Certain·e·s artistes voudront absolument garder leur indépendance, et d’autres, au contraire, auront un réel désir de s’investir dans un projet artistique plus engageant avec des collaborateur·trice·s. Il faut voir tout ça comme un·e entrepreneur·e qui démarre un commerce.

Machinerie : On parle d’ailleurs beaucoup de la notion d’artiste-entrepreneur·e dans le milieu culturel. Qu’est-ce que ça signifie?

Paula : Tout à fait. Historiquement, le milieu artistique était relativement réfractaire à ce parallèle, et on l’est encore. Cependant, au cours d’une formation à l’École des entrepreneurs du Québec, j’ai constaté qu’il n’y avait aucune différence entre les artistes et les entrepreneur·e·s. Que l’on travaille en culture ou dans un autre domaine, qu’on ait une entreprise à but lucratif ou à but non lucratif, un·e entrepreneur·e c’est une personne qui veut faire connaître ses idées, qui a ce besoin de gérer et de maîtriser son médium. Cela peut être un produit mercantile ou une création artistique. Ceci dit, il faut garder en tête que le principal enjeu de la gestion d’une compagnie ne consiste pas seulement à son enregistrement : ce n’est que le début!

Il faut aussi s’assurer que la structure d’un OBNL concorde pour ses besoins et ses activités, et savoir jusqu'où on est prêt à aller avec ce projet. Si on souhaite arriver à une pérennité au niveau du produit artistique, un OBNL permet de produire plus régulièrement et systématiquement.

Machinerie : Quelles sont donc, selon toi, les erreurs à éviter lorsqu’on prend la décision de se constituer en OBNL?

Paula : Je dirais que c’est justement d’avoir une méconnaissance de la charge de travail impliquée dans un tel engagement. Cette méconnaissance va dans les deux sens : certain·e·s artistes verront la gestion d’une compagnie comme quelque chose de lourd qu’ils·elles seront incapables de faire, et d’autres, voyant les nombreuses compagnies déjà existantes, se lanceront sans réfléchir. Cette surestimation ou sous-estimation des tâches provient souvent d’un manque de connaissances. Ces informations sont pourtant accessibles à l’aide de certains organismes qui existent pour accompagner les artistes. 

Il faut aussi s’assurer que la structure d’un OBNL concorde pour ses besoins et ses activités, et savoir jusqu’où on est prêt à aller avec ce projet. On peut, par exemple, avoir le souhait éventuel de passer d’une structure « à projet » à une compagnie soutenue au fonctionnement, ou bien décider d’avoir un collectif en garde partagée. Avec une structure moins fixe, on se réserve la possibilité de produire un projet quand on veut. Par contre, si on souhaite arriver à une pérennité au niveau du produit artistique, un OBNL permet de produire plus régulièrement et systématiquement.

Machinerie : la constitution en OBNL devient-elle un impératif pour le développement des activités d’un·e artiste ou d’un groupe de créateur·trice·s?

Paula : Oui, nécessairement. Il est possible d’avoir accès à certaines subventions pour des projets avec un collectif, mais davantage de financement est accordé aux OBNL. Les Conseils des arts ont besoin de savoir qu’il y a une personne morale et un conseil d’administration imputable au-dessus de ceux et celles qui créent. Ceci dit, la qualité artistique et la pertinence des collaborateur·trice·s de création demeurent les principaux éléments considérés. Dans un contexte de limitation budgétaire, l’évaluation de la gouvernance peut servir de filtre supplémentaire. Pour se constituer en compagnie, il est nécessaire d’avoir une fibre entrepreneuriale ou un entourage qui l’a. Il y a beaucoup d’artistes qui ne possèdent pas ce talent organisationnel, mais qui viennent s’entourer d’une équipe compétente, vont chercher des conseils dans leur réseau, ou une référence qui pourrait les outiller. Il n’est tristement pas rare de voir des artistes baisser les bras en voyant le travail administratif que leur projet de compagnie implique. Cependant, c’est légitime pour un artiste de ne pas vouloir se donner cette charge, et d’avoir une compagnie qui vive grâce à un·e allié·e pour faire ce genre de travail en complémentarité. Il y a aussi des modèles de gestion qui permettent à plusieurs OBNL de mutualiser leurs ressources administratives et matérielles afin que tout le monde en tire avantage.

Paula Barsetti œuvre depuis une quarantaine d’années dans le domaine théâtral, dans lequel elle est profondément impliquée. Elle a mis son savoir et sa passion au service de nombreuses entreprises, dont le Théâtre Sans Détour (de 1980 à 1996) où elle a agi comme comédienne, codirectrice artistique et directrice administrative, et dont elle est membre fondatrice. De 2002 à 2005, elle a assumé la direction administrative de la compagnie de théâtre Mime Omnibus. De 2005 à 2010, elle a été directrice générale associée et directrice des finances du centre multidisciplinaire et communautaire LE TAZ, où elle a étroitement participé à sa relocalisation et à son projet immobilier. La carrière de Paula Barsetti ne saurait se résumer à ces emplois, qui ne rendent compte que d’une facette de son parcours professionnel car elle n’a cessé de s’impliquer dans nombre de comités pour l’avancement de la discipline. En 2010, la compagnie de théâtre Les Deux Mondes avec notamment son partenariat avec le regroupement Aux Écuries, l’invite à joindre son équipe à titre de directrice administrative. En 2017 jusqu’à ce jour, Paula assume la direction générale du Théâtre de la Ligue Nationale d’Improvisation. Toujours passionnée par le théâtre et sensible à l’importance du rôle de la relève artistique, elle poursuit son engagement dans le milieu culturel en partageant son expérience auprès de jeunes créateurs.

 

crédit photo : Myriam Baril Tessier

Pourquoi développer une vision artistique?

La vision artistique est essentielle au développement sain d’une organisation culturelle. Comment devient-elle une source précieuse de motivation et d’inspiration au sein d’une équipe de travail?

L’équipe a rencontré Hanneke Ronken, stratège en innovation culturelle et sociale, afin de nous partager son expertise et ses réflexions sur le sujet.

Machinerie : Selon toi, à quoi sert le développement d’une vision artistique solide et cohérente? Cette vision se reflète-t-elle aussi dans la vision stratégique structurelle de compagnie?

Hanneke : Peu importe la taille d’une organisation, son identité et sa raison d’être sont basées sur la création de projets artistiques forts. Un artiste a comme mission d’avoir une vision du monde unique et, indirectement, de se tenir en marge de la logique capitaliste. Il y a une question profonde de sens au centre de sa posture professionnelle. Il est essentiel de creuser ce positionnement au-delà des projets artistiques. Il devient pertinent de se demander : pourquoi je fais ça? D’un point de vue existentiel, qu’est-ce que j’apporte à ma société au-delà d’une envie de créer ou d’une pulsion égocentrique? Comprendre le sens de notre vision artistique devient un vecteur extrêmement éclairant pour chaque partie prenante liée à l’organisme. Que ce soit pour le public, les gens avec qui tu travailles (artistes, employé·e·s, travailleur·euse·s autonomes, autres) ou les communications, être capable de circonscrire l’impact souhaité dans une vision inspirante est riche pour faire des choix stratégiques à long terme. Le fait d’avoir une vision, une mission et des valeurs bien définies impose un cadre qui va même jusqu’à guider les choix administratifs. Cela provoque une grande cohérence dans la façon de communiquer, d’opérer, de faire des choix pragmatiques. Cette vision doit également être claire et compréhensible pour les subventionneurs, et ultimement, pour le public qui voudra acheter des billets pour le spectacle.

Machinerie : On peut donc dire qu’une vision artistique réfléchie, une mission de compagnie articulée et des valeurs solides facilitent le travail administratif?

Hanneke : Exact. Je le constate à chaque fois que je commence des mandats de planification stratégique avec des organisations qui existent déjà depuis longtemps. La fluidité et la cohérence des actions, à toutes les échelles de décision, se réalisent plus facilement quand ces valeurs et énoncés sont clairs pour l’ensemble de l’équipe.

Le fait d’avoir une vision, une mission et des valeurs bien définies impose un cadre qui va même jusqu’à guider les choix administratifs. Cela provoque une grande cohérence dans la façon de communiquer, d’opérer, de faire des choix pragmatiques.

Machinerie : Quels outils préconises-tu pour mettre en place une forte vision artistique et organisationnelle? À quel point ces outils sont-ils nécessaires et réalistes dans la « vie » d’une organisation ? (FFOM, Étude de marché, Plan d’affaires, Plan stratégique, Plan d’affaires, etc.)

Hanneke : Pour moi, ces exercices ne servent absolument à rien s’ils sont faits en solo ou avec un·e consultant·e, sans aucune implication de l’équipe et du conseil d’administration. L’enrichissement a essentiellement lieu dans la cocréation et le codéveloppement. Partager les points de vue contradictoires entre les différents membres de l’équipe ajoute beaucoup de richesse aux discussions et permet de mieux identifier les angles morts d’une organisation. Cela permet de mieux comprendre l’évolution de l’organisation ainsi que de toutes ses parties prenantes, peu importe la hiérarchie de ceux-ci. Par la suite, un·e consultant·e peut venir faire parler les données et les chiffres pour en faire ressortir des conclusions factuelles importantes.

L’évolution d’un plan d’affaires, les différents diagnostics stratégiques, les forces et faiblesses d’une compagnie, la mesure des communications, les impacts des données objectives sont des exercices qui mériteraient qu’on s’y attarde en équipe afin de faire une radiographie de l’organisation ensemble, en date d’aujourd’hui. Observer celle du passée pour mieux réfléchir à celle du futur! Avant, la planification stratégique était surtout réfléchie avec la direction générale pour ensuite être un peu mise de côté. Aucun membre de l’équipe ne se sentait véritablement consulté et engagé dans le processus. C’était plutôt les postes en autorité qui imposaient une vision à ses subordonnés. Cette méthode de fonctionnement ne libère pas le plein potentiel d’une équipe. Pour moi, la clé d’une mise en action d’une vision et d’une mission de compagnie se réalise dans le codesign.

Hanneke Ronken est une stratège en innovation qui oeuvre dans le secteur culturel et social. Basée à Montréal, elle accompagne des organisations à tirer profit du futur émergent grâce aux approches créatives et analytiques de l’ère numérique.

L’épuisement professionnel dans le milieu de la culture

Que ce soit en tant que créateur·trice ou de travailleur·se culturel·le, l’épuisement émotionnel, mental et physique guette. Pour décembre, la Machinerie aimerait souligner ce phénomène sous-estimé, et grandement normalisé dans le milieu culturel.

L’équipe a réalisé une entrevue avec Stéphanie Laurin, gestionnaire culturelle et détentrice d’une maîtrise en gestion d’organismes culturels, dont le mémoire est orienté autour de l’épuisement professionnel dans le milieu de la culture.

Machinerie : Qu’est-ce qu’un épuisement professionnel? Comment en reconnaître les symptômes, les prévenir?

Stéphanie : Pour définir l’épuisement professionnel, je vais citer une définition qui, en mon sens, est on ne peut plus complète : « L’épuisement professionnel est un état de fatigue général se traduisant par un affaiblissement physique, une exténuation émotionnelle, des sentiments de désespoir, une perte de concentration, une fatigue intellectuelle ainsi que par le développement d’une attitude négative aussi bien vis-à-vis de soi-même, que de son travail, de la vie et des gens. L’épuisement professionnel est l’aboutissement d’un très haut niveau de stress au travail, maintenu trop longtemps. » (d’après l’Association paritaire pour la santé et la sécurité du travail secteur « affaires municipales » (APSAM) avec la collaboration du Docteur Serge Marquis, 2003)

Cette définition est assez complète, car elle touche autant aux symptômes qu’aux causes. Puis, elle résume très bien en quoi consiste un épuisement professionnel.

On peut reconnaître les symptômes du burn-out à différents niveaux :

Symptômes physiques : fatigue généralisée, difficulté à se lever le matin, tension musculaire, problème respiratoire, affaiblissement du système immunitaire, nausées.

Symptômes comportementaux : sautes d’humeur, irritabilité, émergence d’un comportement toxique et un sentiment d’impuissance.

Symptômes psychologiques : attitude négative envers soi-même, attitude négative envers les autres, perte d’espoir, idées noires, diminution de la vigilance et même de la mémoire.

Pour prévenir l’épuisement professionnel, les études démontrent le rôle clé du dirigeant dans les OBNL. En effet, les habiletés de direction des superviseurs, leur style de gestion et la culture de l’entreprise affectent positivement ou négativement la santé mentale des coéquipiers. Avant même de parler d’évaluation de la charge de travail, il faut que la direction mette en application des dynamiques constructives permettant de satisfaire les trois besoins fondamentaux de l’employé·e, soit : le besoin d’autonomie, le besoin de compétence et le besoin d’affiliation sociale. Cela signifie, par exemple, la possibilité de participer aux prises de décision, l’accueil et la considération d’initiatives de l’employé, l’accès à un salaire adéquat, ainsi qu’offrir la latitude nécessaire pour que les membres de l’équipe sentent qu’ils peuvent évoluer au sein de l’organisme. La reconnaissance est absolument nécessaire pour renforcer le sentiment de compétence du travailleur·euse. Ce type de renforcement et faire preuve d’empathie instaure une approche bienveillante, digne d’une bonne gestion d’équipe. Quant au besoin d’affiliation sociale, il est alors question de la qualité de l’environnement de travail, de la qualité des relations interpersonnelles, de même que la position de l’individu au sein de l’organisme.

Le rôle du leader s’entremêle donc avec la culture d’entreprise, car l’un ne va pas sans l’autre.

Il ne faut toutefois pas oublier la responsabilité de l’individu. En effet, tant au niveau des employé·e·s que des dirigeant·e·s, les travailleur·euse·s se doivent aussi d’adopter certains comportements et de rester à l’affût de certaines situations pour éviter l’épuisement professionnel. Il doit agir comme baromètre quant à ses aptitudes dans l’accomplissement de ses objectifs et de la charge de travail. S’il sent qu’il en a trop, que les objectifs ne sont pas assez clairs, il en est de sa responsabilité de verbaliser le tout.

Machinerie : Qu’en est-il de la réalité des pigistes?

Stéphanie : On ne peut parler d’épuisement professionnel en culture sans parler du statut de pigiste très répandu. La condition de pigiste offre une flexibilité d’horaire, mais elle vient avec son lot de stress puisque chaque contrat à venir demeure incertain. Plusieurs personnes sont alors portées à trop en prendre en même temps, de peur de manquer de travail, ce qui leur occasionne une surcharge quantitative.

Les horaires instables des emplois contractuels qui caractérisent le statut de pigiste engendreraient davantage l’épuisement professionnel. Aucune structure de soutien ne peut permettre aux pigistes de s’arrêter pour prendre du mieux, comme ils n’ont pas droit à l’assurance-emploi dû à leur statut d’emploi. La surcharge quantitative est un facteur que l’individu doit lui-même être en mesure de jauger pour mieux répartir ses contrats.

On peut donc dire que c’est une tendance à surveiller, mais que personne d’autre que l’individu lui-même ne peut être en mesure d’équilibrer sa situation d’emploi.

Voilà la roue de la performance, de l’efficacité, de l’instantané, du « maintenant, tout de suite ». C'est-à-dire que les projets vont tellement vite et sont tellement intenses en culture qu’on ne prend pas le temps de se demander si ce système est pérenne ou même sain. On est trop dans une efficacité des choses. Je ne sais pas ce qui va changer la culture du milieu.

Machinerie : Pouvons-nous parler de « fatigue culturelle »? Est-ce que notre milieu est plus propice aux épuisements professionnels? Si oui, pourquoi?

Stéphanie : Oui, complètement. Pour le·la travailleur·euse culturel·le, l’élément fondamental est le sens au travail. L’individu doit être en phase avec ses motivations personnelles et ses tâches professionnelles. La plupart de ces travailleur·euse·s oeuvrent dans ce secteur par passion, comme c’est souvent le cas avec les autres métiers précaires (en santé, le secteur communautaire, etc.). Toutefois, le·la travailleur·euse culturel·le est investi d’une sorte de mission (artistique), d’un appel inexplicable et intangible envers l’art, qui est presque de l’ordre de la foi. Il est donc très difficile de faire une scission entre le travail et la vie personnelle. On ramène nos passions à la maison. Il n’y a donc pas d’espace de repos, de punch-out, si je puis dire. De plus, la précarité du milieu des arts peut créer une tension entre cette passion et l’incapacité d’agir dû au manque de ressources financières et humaines. À cela s’ajoute un facteur très insécurisant propre au milieu de la culture, c’est-à-dire l’absence de filet social (assurances, de congés maladie, etc.).

Machinerie : Quelles sont les bonnes pratiques pour avoir des habitudes professionnelles saines?

Stéphanie : Il faut scinder le travail et la vie personnelle. Il faut se trouver des trucs pour qu’il y ait une séparation entre le « moi » au travail, et le « moi » post-travail. Cela pourrait être aussi simple que de changer de vêtements en arrivant à la maison. D’autres astuces peuvent être utiles, par exemple, éviter d’utiliser son téléphone personnel pour les communications professionnelles, accepter qu’au-delà d’une certaine heure il n’est plus question de regarder (et répondre à) ses courriels, etc. Il est nécessaire de trouver des espaces de repos, mentaux et physiques. Ces espaces peuvent être le sport ou la méditation, qui gagnent en popularité pour des raisons évidentes. Les gens ont besoin de cet espace. C’est non seulement salutaire, mais essentiel.

Machinerie : As-tu un commentaire plus personnel à dire sur l’épuisement professionnel?

Stéphanie : J’ai l’impression que nous sommes dans une roue en marche et qu’il est difficile de la ralentir. Je n’applique pas moi-même mon exemple d’éviter de répondre aux courriels passé une certaine heure, car on attend de moi une réactivité constante, puisque mes interlocuteurs feront preuve de cette même réactivité et ainsi de suite. Voilà la roue de la performance, de l’efficacité, de l’instantané, du « maintenant, tout de suite ». C’est-à-dire que les projets vont tellement vite et sont tellement intenses en culture qu’on ne prend pas le temps de se demander si ce système est pérenne ou même sain. On est trop dans une efficacité des choses. Je ne sais pas ce qui va changer la culture du milieu. Peut-être qu’il faudra qu’un grand nombre de travailleurs s’effondrent simultanément pour que tout le secteur soit handicapé et que là, vraiment, on provoque une remise en question du rythme de travail. D’ici là, il faut rester humain tant comme employé·e que comme porteur de projet. Nous devons de part et d’autre être à l’écoute, demeurer empathiques et nous assurer que les équipes mettent en place des bons systèmes pour éviter l’épuisement professionnel.

Après un BAC en Études théâtrales, Stéphanie Laurin cofonde les Productions Aequo. Au sein de cet OBNL, elle fait ses premières armes en production et diffusion de pièces de théâtre, d’expositions d’art visuel et de courts métrages. À partir de 2016, elle retrouve son champ de prédilection en joignant l’équipe du Théâtre PÀP, d’abord comme responsable des communications pour rapidement devenir adjointe à la direction et responsable du développement jusqu’à l’automne 2020. À travers son parcours professionnel, elle obtient une maîtrise en gestion des arts aux HEC dont la thèse porte sur l’épuisement professionnel chez les travailleurs culturels. Depuis juin 2019, Stéphanie est la codirectrice générale et la directrice administrative d’Empire Panique, la compagnie du créateur Philippe Boutin. À travers ses divers engagements, elle assure quelques mandats de charge de projets auprès de compagnies de créations théâtrales comme Sibyllines et Orange Noyée. En septembre 2020, Stéphanie Laurin entre en poste à titre de productrice exécutive chez Transistor Média, une boîte de production de baladodiffusion.

Bâtir un conseil d’administration bienveillant

Cet article s’adresse aux responsables de l’administration et direction générale d’une compagnie de création.

L’une des premières étapes à faire lors de la création d’un organisme est celle de la fédération d’un conseil d’administration (CA). Non seulement cette étape est-elle nécessaire pour la saine gestion de l’entreprise culturelle, mais elle est aussi, à un niveau plus pratique, obligatoire pour son enregistrement au Registraire des entreprises du Québec. Même si dans la plupart des cas une compagnie de création demeure fortement associée à un·e créateur·trice, il est vital de garder en tête qu’un OBNL est une entité légale autonome. Le CA, entre autres, assure la pérennité de la compagnie.

L’objectif d’un conseil d’administration fort.

Le rôle prioritaire des membres d’un CA est de s’assurer de la saine gouvernance de l’OBNL et de veiller au bon déroulement des activités. Concrètement, cela veut dire que l’organisme possède un regroupement d’individus bénévolement mobilisés à assurer le bien-être d’une organisation et de ses parties prenantes. Il faut percevoir le conseil comme une entité externe bienveillante, garant de la bonne application des valeurs et de la mission de l’organisation. Les administrateur·trice·s travaillent de pair avec la direction pour la réalisation des grandes orientations stratégiques et du plan d’affaires. Ces gestionnaires et artistes sont, en général, des profils complémentaires à ceux de l’équipe d’un OBNL et deviennent des interlocuteur·trice·s de choix quant aux enjeux et défis rencontrés par la direction. Il est notable de souligner que les administrateur·trice·s ont une responsabilité légale quant à l’intégrité de l’OBNL.

Composition d’un CA.

Un jeune OBNL tendra d’abord à s’entourer d’individus proches de l’équipe de fondation. C’est tout à fait normal, surtout pour un OBNL d’une telle taille, qui ne peut miser sur un long historique de création pour attirer des administrateur·trice·s inconnus. La variété de la composition du conseil devra cependant se construire à travers le temps. L’intérêt d’un CA dont les membres ont des compétences variées est que ceux-ci peuvent partager leurs expériences et mettre leurs compétences à disposition. Ces compétences peuvent guider certaines décisions stratégiques (conseils marketing, philanthropiques) ou dans la réalisation d’actions pratiques (gestion d’événement, montage d’outils de promotion). Un CA dont les administrateur·trice·s sont impliqué·e·s depuis plusieurs mandats et dont le profil est diversifié consolide la réputation d’un organisme. Un fort regroupement de membres aux CA dévoués le crédibilise également aux yeux des subventionneurs, de par sa capacité à mobiliser une équipe de gestion dévouée.

Ces gestionnaires et artistes sont, en général, des profils complémentaires à ceux de l’équipe d’un OBNL et deviennent des interlocuteur·trice·s de choix quant aux enjeux et défis rencontrés par la direction.

Documentation à produire.

En amont d’un CA ou durant la rencontre, la direction doit faire un portrait des activités en cours. Cela comprend un suivi global des opérations, un bilan des activités et de l’avancée de l’entreprise. Ce portrait permet aux membres du conseil de se plonger dans le day to day de la compagnie, et avoir une vision globale des initiatives faites, en cours, et à réaliser. Cela permet aux membres du CA de saisir les enjeux et le positionnement de l’organisme, et les aide à proposer des solutions adaptées à leur réalité.

 

Un ordre du jour doit être présenté aux membres présents lors d’une rencontre de CA. Cet ordre du jour incarne un ordre de discussion, qui devra être envoyé à l’avance (souvent, en même temps que l’avis de convocation). L’importance d’envoyer ce document plus tôt est que les membres peuvent se préparer aux discussions qui seront abordées. Quant aux questions et sujets de discussion qui émergeront naturellement lors de la séance, ceux-ci peuvent être abordés au point varia.

 

Un procès-verbal doit résulter de chaque séance. Il s’agit d’une méthode de prise de notes qui résume l’ensemble des points discutés à l’ordre du jour. Il n’importe pas de faire un verbatim de chaque phrase dite, mais plutôt de noter les interventions, commentaires notables et décisions dans l’ordre de la séance. Il s’agit d’une tâche monastique, mais puisque les séances sont souvent espacées de plusieurs mois, cela devient une référence sur les éléments discutés et décisions prises. À plus long terme, le bon archivage des réunions des conseils d’administration permet de protéger l’équipe et les administrateurs si une enquête légale devait être faite ultérieurement.

Outils reliés à cet article : 150 Ordre du jour pour une réunion + 155 Tableau de bord pour une rencontre avec le conseil d’administration + 156 Procès-verbal

Quelques clés pour rédiger une demande de subvention

Cet article s’adresse aux artistes et aux directions artistiques de compagnie, ainsi qu’aux gestionnaires culturels qui oeuvrent dans les sphères administratives.

Rédiger une demande de subvention, ce n’est pas sorcier. Cela requiert seulement quelques prérequis ainsi qu’une structure de rédaction claire et échelonnée dans le temps pour éviter de subir la pression d’un sprint final … ainsi qu’un envoi à 23h35 à la date d’échéance! Bien souvent, ce passage obligatoire pour le financement de ses créations artistiques représente une occasion de faire maturer sa vision, d’échanger avec ses collaborateurs et de préciser son projet.

L’impulsion de départ.

Un dépôt d’une demande de bourse de recherche et création ou une subvention à la production auprès d’un Conseil des arts doit répondre à une impulsion artistique forte. Il n’est pas nécessaire de déposer une nouvelle création à chaque appel à projet ou dès que le rapport final du projet antérieur est soumis. Il faut suivre un rythme de création, de production et de tournée qui convient et correspond à la nature de son travail artistique. Ce n’est pas l’opportunité financière, mais plutôt la volonté de porter un nouveau projet artistique qui doit être au coeur des motivations.

Réserver du temps à votre agenda.

Échelonner les étapes de préparation et de rédaction dans le temps est primordial. C’est pourquoi il est conseillé de réserver des plages horaires de 3 à 5 heures (selon votre capacité de concentration) régulièrement jusqu’à la date de tombée ou l’objectif fixé. Au préalable, il est judicieux de regarder la listes des annexes à fournir et de solliciter les personnes (collaborateur·trice·s, diffuseurs, vidéaste, etc.) qui doivent fournir du matériel (lettre d’intention ou d’appui, CV, etc.) le plus tôt possible en leur indiquant l’échéancier. Cela permettra de pouvoir relancer si nécessaire. Aussi, il peut être judicieux de demander de l’aide à la révision auprès d’une personne extérieure qui aura un regard neuf sur la demande. Il est préférable de l’aviser en amont et de lui indiquer le moment de l’envoi des différentes ébauches de la demande.

Le syndrome de la page blanche.

Le format des formulaires de demandes de bourse ou de subvention ne sont pas toujours les plus invitants pour démarrer un processus créatif de rédaction. Il n’y a pas de contre-indication à griffonner au préalable les idées centrales de la création artistique ainsi que les questions de recherche qui habitent le processus créatif sur un petit cahier ou dans un document Word. Pour éviter de faire fausse route, il est important de bien prendre connaissance des lignes directrices des programmes pour comprendre leurs objectifs, les conditions d’admissibilité mais aussi les critères d’évaluation. Enfin, avant de débuter la rédaction à proprement parlé, il est judicieux de lire toutes les questions du formulaire et de lister pour chacun des points les idées à aborder. Cela donnera un canevas de base pour ne rien oublier, mais aussi éviter de rédiger trop de textes que seraient ensuite à couper.

Susciter la curiosité des pairs.

Qu’est ce qu’un bon projet artistique? C’est – entre autres – un projet qui va piquer la curiosité du jury d’évaluation composé des pairs de votre secteur artistique. C’est à eux que la demande est adressée! L’exercice consiste alors à expliquer clairement les intentions artistiques du projet, mais aussi ce qui est recherché, remis en question ou exploré. Il est parfois difficile d’avancer des certitudes alors que la création n’a pas encore débuté. Ce n’est pas grave! Les questions sont parfois plus porteuses qu’une affirmation surtout dans une demande de bourse de recherche. Certaines questions peuvent aider à décrire un projet artistique, mais surtout à déterminer ses forces.

Une bonne demande de subvention est une subvention dont le projet artistique, son échéancier de réalisation et son budget sont cohérents et complémentaires.

La recherche du « wow ».

Souvent, c’est ce qui est le plus évident pour l’artiste qui n’est pas exprimé dans une demande. Certaines questions permettent de nourrir le processus de rédaction pour sortir des habitudes et adapter votre projet au contexte de rédaction. Quel est le sujet du projet artistique? Est-ce rassembleur? Réflexif? Nécessaire? Lié à une actualité? Ou est-ce une création de « recherche fondamentale » dont le sujet est le renouvellement d’une discipline ou l’innovation technologique? Quel est votre traitement artistique? En quoi est-il unique? Est-ce que le spectacle aura une adresse particulière au public? Pourquoi? À quelle urgence cette création répond-elle? Est-ce qu’elle fait écho à une oeuvre phare?

Ancrer le projet dans une démarche.

Il est conseillé de situer cette création dans la démarche artistique du créateur·trice, de manière plus générale. Cette ouverture sur la carrière au sein de la demande de subvention permet de mieux comprendre le cheminement du créateur·trice. Alors bien sûr, une démarche artistique est rarement linéaire et parfois certains détours sont nécessaires. En quoi cette création développe la pratique artistique? Comment cette recherche fait évoluer l’artiste? Est-ce que cette idée s’inscrit dans un cycle de recherche? Quelles sont les constances qu’il existe entre les dernières créations et celles-ci?

Une équipe au coeur du projet.

En arts de la scène, un projet ne peut pas se réaliser seul. Il sera crucial de bien présenter les équipes artistiques, de conception et de production. Qui sont les comparses de la création? Comment articuler l’apport de chacun? Est-ce de nouveaux collaborateur·trice·s ou des parties prenantes fidèles ? Selon les ressources financières et bien d’autres facteurs, il n’y a pas deux organigrammes des ressources humaines d’un projet qui seront similaires. Quelles seront les synergies de création? À quelles étapes chacune des personnes impliquées vont-elles intervenir? Au stade d’un dépôt de demande de bourse subvention, il peut arriver que l’équipe artistique et quelques concepteur·trice·s soient définis mais que d’autres conceptions et l’équipe de production restent encore à déterminer. Il suffit de l’indiquer, tout simplement.

La triade gagnante.

Une bonne demande de subvention est une subvention dont le projet artistique, son échéancier de réalisation et son budget sont cohérents et complémentaires. Par exemple, s’il est expliqué qu’il y a un grand travail d’exploration physique avec les comédien·ne·s, mais qu’à l’échéancier il n’est prévu une seule semaine de résidence avec les interprètes avant l’entrée en salle; cela va susciter des questions auprès du jury. La faisabilité du projet pourrait être remis en question. Dans l’échéancier qui doit être réaliste et précis, il est pertinent de mentionner toutes les étapes de création : du travail de table, aux réunions de production, aux résidences sèches et techniques, à l’entrée en salle. Indiquer le nombre d’heures de travail par résidence aide à jury à faire le lien avec les choix budgétaires qui sont proposés au budget. Enfin, il n’y a jamais trop de notes dans un budget de production (par exemple : nom et/ou nombre de personnes, taux horaire ou journalier, nombre de jours, nombre de représentations…). L’objectif d’une dernière relecture permet bien souvent de valider la cohérence de cette triade et de s’assurer que la faisabilité du projet sera garantie!

Outils reliés à cet article : 282 Suivi des subventions + 425 Lettre d’entente avant contrat

Monter un budget de production optimal

Cet article s’adresse aux directions de production, ainsi qu’aux créateur·trice·s d’un projet artistique dans le contexte d’une équipe réduite.

Un budget de production est un outil essentiel pour le bon déroulement d’un processus créatif et la genèse d’un projet artistique. Il incarne une référence financière exacte à chaque étape du projet et permet d’éviter des situations préoccupantes en cours de production.

Partir de la base.

En culture, l’argent peut être source de stress et d’insécurité puisque nous sommes majoritairement dépendants des différents Conseils des arts. Pourtant, un budget de production bien ficelé et mis à jour souvent permet de prendre conscience des réelles capacités financières d’une production et de faire des choix artistiques et administratifs conséquents. Il devient alors une référence précieuse et sécurisante. La première étape pour monter un budget de production est la plus simple, mais la plus négligée. Il est essentiel de lister tous les revenus confirmés (subventions, commandites, dons, échange de service, revenus autonomes) et tous les postes de dépenses réels liés à la production (cachets, locations, achat, transport, frais administratifs, etc.). Si vous avez fait des demandes de subventions pour votre projet, vous avez déjà une bonne première ébauche de votre budget! Il est tout de même conseillé de partir d’un nouveau modèle afin de pouvoir le modifier et l’ajuster à votre convenance. Certains administrateurs préfèrent commencer par préparer un budget de production avant de faire des dépôts pour établir la stratégie de dépôt de demande de subvention. Selon les besoins financiers de la création, on peut demander une bourse puis une subvention de production; ou tout simplement décider de demander directement de l’aide financière à la production sur le projet est assez mature artistiquement et que les partenaires sont confirmés.

Différence entre un budget de production et un budget de subvention.

Un budget de subvention est la première tâche que vous allez faire si vous demandez des subventions aux différents paliers gouvernementaux. Il est toujours bâti en amont de la production et reflète l’ensemble des revenus et les dépenses dans un scénario idéal. Il est primordial de penser à mettre toutes les données monétaires possibles, avec le plus d’exactitude possible. Il ne faut pas avoir peur d’être honnête dans l’énumération de ses cachets et dépenses pour avoir une idée réaliste et juste de tous les coûts de production. Diminuer certains postes budgétaires pour faire baisser le montant demandé de peur d’être trop gourmand auprès des bailleurs de fonds n’est jamais une bonne idée. Il faut être sincère et concret. Imaginez qu’on vous accorde l’entièreté de ce que vous aviez demandé et que vous êtes en mesure de faire votre production de rêve sans contraintes financières! Un budget de production se monte lorsque les dates de diffusion sont officialisées et que toutes les entrées financières sont confirmées. Il doit être fait avant d’entrer en répétition avec les artistes et collaborateurs. Vous avez alors en votre possession le coût total maximum (totalité des revenus) que vous devez respecter pour votre production. Un mot à toujours avoir en tête dans la dynamique d’un budget de production : l’équilibre. Il faut alors refaire l’exercice de lister toutes les dépenses envisagées de la production pour mieux visualiser l’écart (positif ou négatif) avec les revenus confirmés. De cette façon, vous serez en mesure de prendre des décisions éclairées quant aux différents postes budgétaires afin de toujours respecter l’argent disponible à la production de votre spectacle. Il ne faut pas avoir peur de faire les meilleurs choix pour la production et pour un bon équilibre mental. Il vaut mieux reporter un projet par manque de ressources financières plutôt que mettre la compagnie en péril, ou de s’endetter personnellement!

Un mot à toujours avoir en tête dans la dynamique d’un budget de production : l’équilibre.

Tenir le budget à jour.

Vous avez maintenant tout ce qu’il faut pour débuter votre production! Votre budget devient alors la ligne directrice financière du projet. Il permet de fixer les cachets (prédéfinis) des collaborateurs pour s’y fier lors de la rédaction des contrats et d’avoir une vue d’ensemble sur les dépenses liées aux frais de création (variables). Toujours avec les factures en main, vous devez ajuster votre budget prévu fréquemment en fonction des dépenses réelles afin de s’assurer qu’aucun déficit n’est en train de se créer. Par contre, les montants prévus aux postes budgétaires peuvent bouger. Par exemple, si vous avez prévu 500$ en frais de costumes et 1000$ pour un décor et qu’en cours de production vous vous rendez compte que les décors coûteront plus cher et que les costumes seront moins onéreux, vous pouvez réviser votre budget au fur et à mesure pour toujours rester dans l’équilibre (250$ en costume et 1250$ en décor, disons).

La reddition de compte.

Le budget n’est pas seulement important en amont et pendant la production. Il reste tout aussi précieux après les représentations. La majorité des partenaires financiers exigeront un budget de production final, portrait juste des activités monétaires de la production. Souvent à joindre au bilan, en post mortem de la production, divulguer un budget final rigoureux et transparent crédibilise vos capacités de gestion et assure un sérieux et une confiance auprès des différents alliés financiers.

Dernière astuce.

Organiser l’information contenue dans vos budgets en détaillant les postes budgétaires et en créant plusieurs colonnes facilite le travail. Il n’y a jamais trop de détails! Par exemple, dans le même budget vous pouvez inscrire dans une première colonne les dépenses reliées à la recherche et à la création; dans une seconde la production qui inclut la première diffusion et dans une troisième la reprise d’œuvre si elle est déjà planifiée. Dans ce cas-ci, vous pourrez plus facilement faire une reddition de compte pour les bourses de recherche obtenues et les subventions de production. Dans d’autres cas, il peut être plus judicieux d’avoir une colonne qui correspond au budget prévisionnel avant le dépôt des subventions, une qui propose un scénario révisé et équilibré, une autre qui présente l’argent qui a été réellement dépensé. Pour faciliter les suivis administratifs, vous pouvez aussi ajouter une colonne qui calcule l’écart entre le réel et le révisé afin de voir les suivis de paiements qui sont à réaliser.

Outils reliés à cet article : 533 Budget de production

Rédiger un contrat sans rien oublier

Cet article s’adresse aux compagnies de création et aux directions de production, qui engagent une équipe artistique et de production.

Dans le milieu des arts de la scène, il est rare de produire un spectacle qui n’implique nul autre que vous. Vous engagez donc une équipe artistique et de production tout au long du cycle de création de votre projet, dont vous avez assumé les responsabilités de production. Afin d’encadrer l’implication et la rémunération de chaque individu qui prend part au processus, vous devez leur préparer un contrat de travail. Les artistes membres d’une union ou d’une association professionnelle sont régis par des règles spécifiques (UDA, APASQ, etc.). Comme producteur·trice, vous devez préparer un contrat proposé par ces organisations et verser la cotisation exigée. Cet article concerne la rédaction de contrats « maison », qui relient le·la contractuel·le au producteur·trice.

Bien plus qu’une formalité administrative.

La préparation des contrats représente bien plus qu’une « corvée » administrative, mais bel et bien une occasion de définir le mandat et les synergies au sein de votre cellule de création. Selon l’envergure de vos productions, l’avancement de votre carrière, les ressources financières et le profil des membres de votre équipe, certains seront amenés à jouer plusieurs rôles. Aussi, d’une discipline artistique à une autre, les façons de faire varient et les dénominations n’évoquent pas les mêmes rôles. C’est pourquoi il est important de bien lister les tâches et responsabilités qui sont confiées à chaque individu, selon leur corps de métier. Bien souvent les malentendus, les problèmes de communications ou les tensions dans un studio de création proviennent d’une confusion sur le rôle et les responsabilités de chacun. Il peut donc être intéressant de préparer un organigramme qui définit les synergies au sein de l’équipe. Par exemple, la direction technique relève de la direction de production, et collabore étroitement avec l’assistance à la mise en scène ou la direction des répétitions. L’idée n’est pas de définir une structure hiérarchique de pouvoir, mais de gagner en efficacité et de clarifier les interactions!

Choisir un modèle de contrat adéquat.

Il y a plusieurs modèles de contrat qui peuvent vous être utiles, selon le profil de la personne engagée. On différencie par exemple les interprètes qui auront deux types de rémunérations (en répétition et en représentation), des concepteurs (cachet de création et droit de suite), d’un travailleur autonome qui n’aura qu’une forme de rémunération (par exemple, la direction de production). Il se peut que vous confiez un cadre budgétaire à un concepteur pour l’achat d’accessoires et de costumes. Une clause sur le budget alloué devrait donc y indiquer le montant, qui gère les remboursements, que faire si vous prévoyez le dépasser, etc. Enfin, si le projet est porté conjointement par deux compagnies de création et de production, il sera nécessaire de préparer un contrat de coproduction entre les deux créateur·trice·s. Celui-ci servira à déterminer qui fait quoi, à approuver le cadre budgétaire de la production, la façon dont seront prises les décisions artistiques, les crédits et autres dispositions en lien avec la propriété intellectuelle.

La préparation des contrats représente bien plus qu’une « corvée » administrative, mais bel et bien une occasion de définir le mandat et les synergies au sein de votre cellule de création.

La structure d’un contrat.

Bien sûr, il y a plusieurs manières de structurer un contrat, mais qui ont tout de même certaines constances. L’entête permet de savoir de qui il s’agit avec toutes ses coordonnées. Il est important de récolter le numéro d’assurance social pour la préparation des T4A ou le numéro de taxes des individus qui y seraient inscrits. La première clause permet toujours de définir les dispositions générales, l’objet du contrat, la nature de l’entente. Ensuite, il convient de préciser selon la nature du projet : le calendrier d’exécution, les périodes de disponibilités, les obligations de la personne qui sera sous contrat, les obligations du producteur, la rémunération, les frais de séjour, le budget alloué. Pour vérifier si un contrat est complet, on peut s’assurer qu’il répond bien à toutes ces questions : qui, où, quoi, comment, pour combien, quand, pourquoi, par qui. Il existe des clauses qui sont exigées par les lois qui nous régissent, comme la résiliation, la modification, la force majeure et l’exécution. Partez d’un exemple d’un contrat que vous avez déjà signé pour une autre production!

Il n’y a jamais trop de détails.

Rappelez-vous que l’objectif d’un contrat est de clarifier l’implication et chacun·e et de bien communiquer tous les éléments qui concernent la production. N’hésitez donc pas à annexer un certain nombre d’informations comme : les noms de toute l’équipe artistique et de production, l’organigramme de votre cellule de création, une liste de tâches, l’échéancier détaillé de production, le budget validé, le calendrier des échéances promotionnelles (prise de photos, entrevue à la presse, etc.). C’est une étape essentielle de l’avancement de votre création puisqu’il confirme que le processus est en branle. Surtout, une proposition de contrat est une occasion unique d’ouvrir une discussion et d’écouter ce que chacun·e des participant·e·s à la création a à suggérer pour la bonne marche du spectacle.

Outils reliés à cet article : 541 Liste de tâches par corps de métier + 542 et 543 Organigrammes + 544 Contrat d’engagement pour travailleur autonome + 545 Contrat de service : concepteur + 546 Contrat de service : interprète