Comment se distinguer pour attirer la main-d’oeuvre?
L’équipe de La Machinerie a rencontré Valérie Beaulieu, directrice générale de Culture Montréal. Elle nous partage une partie de sa vision des ressources humaines et ce qui lui semble essentiel lors de tout processus de recrutement.
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Machinerie : Le recrutement et la gestion des ressources humaines sont des sujets qui semblent vous intéresser particulièrement, pouvez-vous nous en dire plus?
Valérie : J’ai toujours l’impression qu’avec chaque processus de recrutement vient une sorte d’excitation. Accueillir une nouvelle ou un nouveau collègue dans l’équipe, c’est comme si on ouvrait de nouvelles possibilités, de nouveaux potentiels. Dans le cas d’un poste existant, la personne qui quitte le poste en question a souvent bâti des choses, a injecté sa personnalité dans le travail, et là, c’est l’occasion de questionner, de voir où on est rendu avec ce rôle-là dans l’équipe, de voir ce qu’on veut bonifier, etc. Parce qu’un descriptif de poste, c’est très théorique, mais dans la pratique, les choses sont souvent différentes, que ce soit dans les tâches, dans la synergie avec les collègues, etc. Une démarche de recrutement permet donc de faire une mise à jour du poste. Je vois le recrutement comme un processus d’amélioration continue de l’organisation, que ce soit lors de la création d’un nouveau poste ou pour un remplacement. C’est l’occasion de peaufiner les rôles de chacun·e, de s’assurer de la complémentarité au sein de l’équipe, de faire un bilan. C’est donc toujours excitant, car c’est la possibilité d’accueillir une nouvelle énergie au sein de l’équipe, une personne qui va venir mettre sa touche et avec qui on va bâtir quelque chose. On espère donc trouver LA bonne personne pour compléter l’équipe. Pour ça, il faut s’assurer d’être suffisamment attractif pour recevoir le maximum de curriculum vitae intéressants.
Machinerie : Justement, en termes de recrutement, comment une organisation s’assure-t-elle d’être attractive, de se distinguer, pour attirer les bonnes personnes?
Valérie : Tout d’abord, je pense qu’on est attractif lorsqu’on est vrai et authentique avec ce qu’on est en tant qu’organisation. Selon moi, la description du poste, l’affichage doivent refléter réellement l’essence de l’organisme pour que les personnes qui font le processus d’embauche ou qui arrivent en poste ne soient pas déçues ou n’aient pas l’impression d’avoir été « bernées ». Il me semble donc important que l’affichage corresponde le plus possible à la réalité. À Culture Montréal, nous intégrons toujours un petit paragraphe au début des affichages de postes qui explique ce que cela veut dire travailler chez nous. On mentionne par exemple qu’on est une petite équipe formée de personnes passionnées et que nous sommes souvent amené·e·s à travailler en collaboration sur les dossiers. J’ai également remarqué lors des derniers recrutements que les candidat·e·s consultent beaucoup notre site web et en particulier la section sur les valeurs de l’organisation. J’ai réalisé à quel point c’est un élément important à mettre de l’avant. Souvent, ces personnes mentionnent en entrevue qu’elles se sentent en adéquation avec les valeurs de Culture Montréal, que c’est ce qu’elles recherchent, etc.
Ensuite, il faut s’assurer de diffuser les affichages de postes dans le maximum de réseaux. Nous avons de la chance chez Culture Montréal car nous recevons toujours beaucoup de candidatures, mais nous voulons élargir encore davantage nos listes de diffusion afin de rejoindre des personnes qui ne sont pas forcément dans nos réseaux habituels et nous assurer de recevoir des candidatures diversifiées. Nous sommes d’ailleurs actuellement en train de restructurer notre chantier « inclusion, représentativité et diversité ».
Finalement, nous tenons à ce que tout le processus de recrutement soit fait dans le plus grand des respects : j’ai des gens dans mon entourage qui ont cherché ou cherchent un emploi et je sais que ça peut être parfois douloureux… À Culture Montréal, toutes les personnes qui envoient leur curriculum vitae reçoivent un accusé de réception, et à partir du moment où des candidat·e·s nous ont accordé du temps pour une entrevue, nous les contactons tous par téléphone pour faire un suivi. On ne laisse personne sans nouvelle. Nous indiquons également toujours dans l’affichage que tous les curriculum vitae seront lus avec attention. Et c’est vrai, on prend le temps de tous les regarder et on essaie d’aller au-delà des biais qu’on pourrait avoir. Par exemple, on peut avoir tendance à rechercher des gens qui connaissent bien notre secteur d’activités. Or, quelqu’un qui connaît très bien le secteur, ça ne peut pas être un·e nouvel·le arrivant·e… Donc, j’essaie toujours d’aller au-delà de ça, de me dire que dans mon équipe j’ai déjà plusieurs personnes qui connaissent le milieu, et qu’une approche différente pourrait être intéressante. À Culture Montréal, on réfléchit au développement culturel. En ce sens, avoir des candidat·e·s qui viennent d’ailleurs, qui ont un autre genre d’expérience, est très enrichissant.
Je vois le recrutement comme un processus d'amélioration continue de l’organisation, que ce soit lors de la création d’un nouveau poste ou pour un remplacement.
Machinerie : Et dans le milieu des arts et de la culture, qui fait face à des enjeux particuliers, comment s’assurer de cette attractivité?
Valérie : C’est vrai qu’on n’est pas nécessairement un milieu facile par rapport à d’autres, si on parle par exemple des conditions salariales, mais nous avons la chance d’être dans un univers de passion. J’ai souvent des candidat·e·s qui délaissent un secteur plus lucratif car ils veulent vraiment travailler en culture. Ce sont des gens qui font ce choix presque par vocation. Bien sûr, cela ne veut pas dire qu’on peut abuser des gens. Je pense que comme employeur·e du milieu des arts et de la culture, ce que nous pouvons faire pour nous distinguer, c’est d’offrir un bon climat de travail. Pour moi, c’est la chose la plus importante, non négociable. Un élément sur lequel on doit travailler tous les jours, tous ensemble. Comme directrice générale, j’ai l’obligation bien sûr de « montrer l’exemple », de veiller à ce que tout le monde soit sur la même longueur d’onde. On passe tellement de temps au travail, on ne peut pas tolérer un climat toxique.
Et la notion d’accueil est importante aussi. La façon dont on accueille un·e nouvel·le employé·e., que ce soit à distance en ce moment à cause de la pandémie, ou dans les bureaux. Tout mettre en œuvre pour que leur première journée, leur première semaine, leur premier mois se passent bien. Un « mauvais » accueil, ou un accueil un peu raté, peut avoir une incidence négative à long terme sur la relation qu’on a avec l’employé·e. C’est quelque chose qui est difficile à rattraper.
Machinerie : Le processus de l’entrevue peut être intimidant pour certaines personnes. Comment travaillez-vous ces étapes?
Valérie : Je m’assure de donner toutes les chances à la personne et de faire en sorte qu’elle se sente en confiance. Je commence souvent les entrevues en demandant à la candidate ou au candidat de m’expliquer un petit peu son parcours professionnel, de me raconter une histoire en fait, son histoire, et ce qui fait qu’aujourd’hui il ou elle se retrouve dans mon bureau. Il n’y a pas de bonnes ou de mauvaises réponses et cela donne le temps à la personne de se mettre en route et à la nervosité de tomber. Après ces premières minutes, j’ai souvent un meilleur accès à sa personnalité, je comprends son parcours, ses choix. Ça me permet aussi de voir si elle a l’esprit de synthèse, sa façon de s’exprimer, etc. Pour moi, une entrevue, c’est un dialogue, un échange. J’ai bien sûr des questions, mais ce n’est pas unidirectionnel. C’est une conversation et je m’assure de prendre le temps qu’il faut pour cela, pour que la personne sente qu’elle peut être elle-même dans cette entrevue, car je veux voir qui sont les gens, avoir accès à leur personnalité. En processus de sélection, on regarde bien sûr les expertises, les compétences, les intérêts, mais aussi la complémentarité avec le reste de l’équipe.
Machinerie : La candidate idéale ou le candidat idéal n’existe sans doute pas, mais selon vous, quels sont les éléments qui font qu’une personne s’en rapproche?
Valérie : À Culture Montréal, on s’intéresse à la culture à 360 degrés et on travaille beaucoup de contenus, donc cela ne prend pas des experts en tout, mais plutôt des gens curieux, passionnés par le développement culturel, par Montréal, par la ville. Et ça, peu importe le poste. C’est important afin que tout le monde se sente bien dans ce qu’il·elle fait. Et puis, bien sûr, en entrevue, on présente notre organisation et sa dynamique interne : le rapport entre l’équipe permanente et le conseil d’administration formé de 21 personnes, l’importance des bénévoles (plus d’une centaine) au sein de Culture Montréal, etc. On s’assure que ces éléments soient bien compris par les candidat·e·s. De même, on mentionne le rythme de travail soutenu et la nécessité de rester flexible puisque nous sommes tributaires de l’actualité et de son impact sur notre écosystème. Nos priorités peuvent donc changer du jour au lendemain. J’aime mieux que ces choses soient exposées tout de suite et que la personne puisse juger si cela lui convient ou pas.
Machinerie : Selon vous, y a-t-il un type de relation employé·e / employeur·e à privilégier pour avoir un impact sur son milieu?
Valérie :Je suis directrice générale, mais je considère que chaque individu dans l’équipe a vraiment une responsabilité importante, que sans cette personne, on n’est pas la même organisation. J’essaie donc de privilégier les relations de confiance. Après tout, moi, je me réalise bien quand je sens que les gens ont confiance en moi, donc, j’estime que c’est la même chose pour mon équipe. Je m’assure que tous et toutes sentent que j’ai confiance dans leur travail et leurs décisions. J’ai été accompagnée à un moment par une consultante en ressources humaines et elle m’a fait remarquer quelque chose de majeur : l’organigramme dans une structure, ce ne devrait pas être la direction en haut et les employé·e·s en bas. C’est le contraire, c’est la direction qui est en bas et qui doit s’assurer que tout le monde a tout ce qu’il faut pour bien faire son travail. L’essentiel de mon travail au quotidien, c’est d’être en soutien à mon équipe pour que chacun et chacune puisse mener à bien ses dossiers et ses projets. Ça, ça a été une révélation.
Durant un parcours de plus de 15 ans axé sur les communications et la gestion, principalement dans le milieu culturel montréalais, Valérie Beaulieu a joué plusieurs rôles. À la fois comédienne et travailleuse culturelle, elle a été responsable des communications et des relations avec les citoyens pour le Théâtre Aux Écuries, ainsi que directrice des communications pendant quatre ans pour le Festival du Jamais Lu. Elle a œuvré également en entreprise où elle a donné des formations de prise de parole en public.
En 2011, elle a cofondé l’organisme La Ligne Bleue | Réseaux et quartiers culturels qu’elle a dirigé pendant trois ans. Depuis, elle a été consultante en direction de projets et communication notamment au sein d’organisations comme l’École de l’innovation citoyenne de l’ÉTS et la Corporation de développement urbain du Faubourg Saint-Laurent où elle a assumé la direction générale par intérim. Valérie Beaulieu assure la direction générale de Culture Montréal depuis 2016.
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